tempête. En vain le patron de la barque fit-il remarquer au pilote tous ces signes avant-coureurs d’une bourrasque inévitable ; en vain le supplia-t-il de gouverner sur le petit port de Houat pour y chercher un abri : le Nantais, l’œil hagard, la bouche frémissante, la main crispée sur la barre du gouvernail, avait l’air de ne rien entendre et continuait à tenir le cap sur la haute mer, malgré les vagues énormes qui soulevaient la chaloupe à une hauteur inquiétante. Une seule lame reçue par le travers, et tout eût été perdu. Mais Corfmat fendait les houles avec une étonnante habileté, celle que donne le désespoir.
Deux milles se firent ainsi. Mais il devenait évident qu’on ne pouvait aller plus loin sans sombrer. Le patron, poussé à bout et voyant son autorité méconnue, perdit patience à la fin. Corfmat, cramponné au banc de l’arrière comme à sa dernière planche de salut, refusait énergiquement de quitter le gouvernail, et ce ne fut qu’après une lutte désespérée contre les trois hommes, qui l’avaient vainement supplié, qu’il abandonna la barre. Il fut jeté de force et attaché dans le fond de la chaloupe.
On s’orienta aussitôt dans la direction du port de Houat. Ce devait être bien plus difficile, malgré le jour qui perçait lentement entre d’énormes nuages. Le vent semblait augmenter encore et soufflait sans cesse par rafales variant de l’ouest au sud-sud-ouest. La mer devint plus houleuse ; les lames se succédaient plus hautes et menaçaient à chaque instant de submerger la chaloupe, déjà trop chargée d’eau.