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LE RECTEUR DE L’ÎLE DE HOUAT


cris d’appel et de reconnaissance. Corfmat avait réussi à se détacher : alors le misérable, ayant reconnu M. Tanguy dans l’embarcation peu éloignée, s’élança comme un furieux, pour saisir une gaffe dont il voulait frapper ses compagnons.

Cette querelle pouvait avoir les conséquences les plus déplorables, au milieu d’une tempête, en venant à l’encontre de toutes les manœuvres nécessaires pour opérer le sauvetage ; elle pouvait entraîner la perte des deux embarcations à la fois. Mais le bandit se rendit justice à lui-même. Tandis que les marins faisaient tous leurs efforts pour désarmer le Nantais, auquel, par humanité, ils hésitaient à donner un coup mortel, celui-ci aperçut, dans l’autre barque, en ce moment très-rapprochée, une figure qui le frappa d’une sorte de commotion électrique.

— Julien ! s’écria-t-il, Julien ! ah ! j’aurai ta vie avant qu’ils aient la mienne !

À ces mots, aussi prompt que l’éclair, il monta sur le bordage de la chaloupe et, sa gaffe à la main, il s’élança par un bond prodigieux qui l’eût porté dans le bateau de M. Tanguy, si une forte houle ne l’eût soudainement éloigné. Ainsi Corfmat tomba dans la mer. Une fois on vit ses bras sortir de l’eau et s’agiter convulsivement. Comme on le savait excellent nageur, on croyait le voir revenir à chaque instant à la surface. Mais il ne reparut point ; seulement, à la place où il venait de disparaître, les marins, penchés aux bords des embarcations, crurent distinguer sur l’écume des houles de légères teintes de sang, et ils pensèrent que