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FANTÔMES BRETONS


une bouteille d’eau-de-vie, laquelle étant tombée sous sa patte, avait été promptement mise à sec ; si bien que, quand on ouvrit la porte du salon pour le recevoir, Robert alla tomber, tout de son long, aux pieds de la demoiselle épouvantée, sur le coin d’un tabouret où il laissa un de ses yeux.... Après une telle aventure, notre doux sire, pestant contre toutes les jupes de Bretagne, avait juré de ne plus épouser que.... les bouteilles de sa cave.

En outre, le seigneur de Teillé était très-jaloux de ses droits de chasse et faisait faire bonne garde sur ses domaines. Aucun de ses nombreux gardes ne réussissait à préserver son gibier au gré de sa fantaisie. Voilà qu’un soir, ayant appris qu’un cerf avait été tué dans l’un de ses bois, il se rendit furieux chez le garde soupçonné de négligence, et lui ordonna de déguerpir à l’instant. Il faut vous dire franchement que, selon son habitude, le sire avait la tête un peu allumée et les jambes tremblantes, et que son œil unique avait l’air d’un charbon ardent. Cet homme-là devait être cousin-germain du diable lui-même, et ce n’est pas impossible, vu la fin de mon histoire. Or donc, il ordonna au garde délinquant de filer sans retard.

— À moins d’être le diable en personne, répondit le malheureux, il est impossible de protéger tous vos cerfs et chevreuils contre tant de maudits braconniers.

— Par l’enfer, s’écria le sire, pour sauver mon gibier de ces malandrins, je prendrais volontiers Satan à mon service.