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RAVAGE OU LE GARDE-CHASSE DU DIABLE


domaine de leur conscience à la garde de l’esprit du mal ; que de gens qui courent à l’appel de ses fanfares et qui ne songent qu’à chasser le gibier du diable. Hein, camarades ! faites-y attention ; amorcez bien, ne ratez pas, car le chasseur rouge vous guette et son fusil ne rate jamais, jamais…

Cela dura longtemps, trop longtemps au manoir de Teillé. Le nouveau garde faisait ample moisson de braconniers ou voleurs, tous pécheurs endurcis ou imprudents, lesquels étaient pendus sans rémission, et Ravage empochait leurs méchantes âmes qu’il jetait dans la gueule du four dont le boulanger s’appelle Satan. La besogne allait bien, trop bien pour lui, comme vous voyez.

Pourtant Robert le borgne commençait à s’effrayer de tant de pendaisons ; il s’enivrait moins souvent ; mais l’inquiétude de tomber lui-même dans les griffes du diable le rendait encore plus morne et plus sombre qu’autrefois. Franchement, il faisait peur à voir et se serait peut-être corrigé de son amour du vin, si chaque soir Ravage, en lui rendant compte de ses captures, ne lui avait versé à boire après son souper.

Le temps passait et l’affreux garde n’avait pas fait la moindre erreur ; pas le moindre juste, pas le plus simple maraudeur, un peu repentant, ne lui était tombé sous la main. Comment faire ?

Enfin, un soir d’hiver que le châtelain réfléchissait avant l’arrivée du maudit limier, un vieux pauvre, nommé Job, vint demander l’aumône au château. Les