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PERVERSE

conduire aux Folies-en-l’Air, où Suzanne de Chantel, érigée en étoile de première grandeur, depuis son retour d’Amérique, exécutait des pas espagnols sur des airs espagnols ; dans l’éblouissante clarté de jeux électriques, elle apparaissait couverte de diamants, si horriblement belle, si abominablement suggestive que ce Paris blasé accourait pour la voir et pour l’applaudir.

Certains disaient :

— Suzanne, c’est un bazar de diamants.

Mais d’autres disaient aussi :

— Elle est l’artiste d’amour et de volupté incomparable.

Fêtée pour son rire, aimée pour sa voix, météore ravissant, éblouissante, parée de satin d’or, elle filait sous la rampe qui l’incendiait aussi bien dans ses yeux noirs que dans ses pierreries, aussi bien dans ses cheveux crêpelés que dans le rouge troublant de ses lèvres.

La salle, émue et contemplative, tout entière, avait des tressaillements. On l’aimait de loin avant de l’empoigner en rêve.