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NOTES.

On se demande souvent où se cachaient, il n’y a pas long-temps encore, toutes ces richesses du moyen âge, que nous voyons étalées aujourd’hui dans notre Musée, dans de nombreuses collections particulières de la capitale et de la province, et chez d’innombrables brocanteurs des quais, boulevards, etc.[1].

Ces immenses réceptacles sculptés, en ébène, noyer, ou chêne, si bien nommés cabinets, comme pouvant résumer sous clef, dans un espace circonscrit, tout ce que contiendrait une pièce de nos appartements actuels ; ces vastes couches à baldaquins de même proportion, supportés par cariatides, balustres ou colonnes torses, et garnies d’épaisses et éclatantes étoffes, où le diaprage de l’or, de l’argent et de la soie, contraste élégamment, à notre avis, avec le ton cru des sculptures.

Ces dressoirs, jadis échelonnés selon les rangs des bannerets, barons ou comtes, libres aujourd’hui d’en élever indéfiniment les gradins ; vaisseliers si riches de travail, et d’ailleurs si richement ornés, lorsque l’émail des nobles compositions des grands maîtres d’Italie, sou-

    donne surtout d’autres moyens que leurs plumes, quelque vigoureuses qu’elles soient, d’amortir l’action du marteau incessamment levé sur nos édifices.

    Quant à nous, vétéran de la première croisade, appendant au foyer nos armes émoussées par les revers, nous ne combattons plus que de nos vœux. Heureux, cent fois heureux, s’il nous est donné d’applaudir au triomphe des nouveaux paladins, et si nos yeux, avant de se fermer, peuvent voir, ce qui s’appelle voir, cette aurore bienfaisante dissiper les foudres encore amoncelés sur les derniers insignes de notre vieille splendeur et confondre ainsi l’endurcissement de notre persistant scepticisme !

  1. Nous ne parlons pas des antiquités nouvellement fabriquées, ni des compositions où figurent souvent côte à côte des fragments étonnés de se trouver ensemble, mais seulement de ces vieux serviteurs long-temps proscrits, et qui, dépouillant les haillons de l’exil, reviennent aujourd’hui briller de tout leur lustre.