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NOTES.

bles, en faisant élever les édifices gigantesques d’Aix-la-Chapelle, d’Ingelheim ; les cathédrales de Trêves, de Mayence, de Worms, etc. Les monuments du même style colossal encore existants, à Toulouse, Poitiers, Caen, Jumièges (en partie détruits), etc., prouvent qu’il s’établit à cet égard une belle rivalité en France. Rollon et Guillaume-le-Conquérant se signalèrent dans cette émulation, qui devint générale en France, dès le commencement du 11e siècle, toutes les églises dont la magnificence ne répondait pas à leur destination, ayant dû alors être démolies et reconstruites. De là datent ces nombreux édifices secondaires qu’on retrouve encore sur toutes les parties de la France, et qui appartiennent presque tous au style byzantin épuré (dit de transition), tels que ceux de Dreux[1], de Corbeil, Saint-Spire (détruits), de Nevers, de la Charité, d’Amboise, Saint-Denis, la chapelle Saint-Florentin de Moissac, etc., etc.

On chercherait vainement les noms des artistes créateurs de tous ces monuments, dont la direction dut en-

  1. Les chapiteaux à figures grotesques de l’ancienne église du château de Dreux, portant la date de 1119, ont été conservés sur les lieux mêmes. Placés sur des cippes dans les caveaux neufs, où reposent maintenant confondus, comme à Saint-Denis, les ossements des tombes déjà presque royales de cette collégiale, ils les parfument de vétusté et donnent de l’harmonie à cette restauration d’ombres illustres fondée par une pieuse princesse.

    Nous avons visité récemment cette œuvre, qui se poursuit à grands frais, avec beaucoup de recherches et de goût, de manière à embrasser dans le lien commun de la tombe ce qui est avec ce qui fut. Là reposent près du corps, entier du moins, de ce bienfaiteur de l’humanité, de ce vertueux duc de Penthièvre, mort de chagrin, en mars 1793, entre les massacres et l’échafaud, les dépouilles mutilées de sa belle-fille, arrachées au charnier du tigre populaire. Il nous a semblé voir sa tête livide, mais toujours céleste, n’exhaussant jusqu’aux barreaux de la tour du Temple, comme pour dire un dernier adieu à sa souveraine, à son amie, victime non moins pure et plus auguste encore.