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NOTES.

De l’usage à l’abus il n’y a qu’un pas : mais cet abus fut-il aussi général et relativement aussi criminel qu’il nous apparaît de notre point de vue ? Tient-on compte aux prélats, abbés et moines de ces temps, de leur condition première, des principes d’une éducation qui, pour être moins barbare que celle des autres Francs, n’avait rien de commun avec celle des lettrés d’époque postérieure ? Se place-t-on avec eux dans les crises sociales produites incessamment par le déchirement du pays ; dans les assauts de leurs couvents par une soldatesque effrénée qui, dans aucun temps, ne considéra rien comme sacré ; dans la nécessité, par conséquent, d’opposer la défense à l’attaque, la fuite à la poursuite, et de se trouver souvent exposés à puiser dans cette existence guerrière et nomade d’autres habitudes que celles des cloîtres ? Viennent ensuite les considérations tirées des vœux forcés ; de l’influence de l’âge et des passions, influence qu’excitaient, loin de l’amortir, les privations imposées par le froc et la robe, influence pour laquelle un simple retour sur nous-mêmes nous rendrait peut-être plus indulgents.

Quant aux princes et seigneurs qui, sous les deux premières races surtout, s’arrachèrent plutôt qu’ils ne se partagèrent les lambeaux de la France, conquérants ou fils de conquérants des populations mêmes qu’ils gouvernaient, ils n’y voyaient que des vaincus, et n’y trouvaient, en général, il faut le dire aussi, que des esclaves, tremblants à leur aspect et dociles à leurs moindres lois.

Fiers d’une supériorité relativement incontestable, malgré l’ignorance dont ils se targuaient en tout autre art que celui de la guerre, de la chasse, des tournois, ou de l’administration de la justice en champ clos, ils ne doutaient pas que le sang, la vaillance ou la fortune,