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NOTES.

détermina à entrer dans les ordres et se fit tonsurer, et il se maria à 60 ans.

Sa vie intérieure, comme homme privé, participa de celle d’artiste et fut également tourmentée.

De ce cratère, où bouillonnaient pêle-mêle toutes les passions les plus nobles comme les plus honteuses[1], sortirent, par irruptions soudaines, de sublimes mouvements de courage, de grandeur d’ame et de générosité, ou d’ignobles accès de cupidité, de fanfaronnade ou de vengeance. Trop de confiance en soi-même, trop de défiance envers les autres, ces dispositions assez communes chez l’homme, s’accroissent encore chez l’artiste par le sentiment de sa supériorité, et par l’idée souvent exagérée de son importance.

L’énergie du talent tient à celle des passions : le même germe les contient et les développe ; et c’est en subissant les conséquences du pacte satanique, qui régla les conditions de son être, que Cellini se montra à la fois au-dessus[2] comme au-dessous de l’humanité.


  1. Dans ses rapports avec ses modèles, l’homme et l’artiste se confondaient toujours ; il l’avoue sans détours, en ce qui touche aux jeunes filles. Ce qu’il dit de sa manière de procéder avec l’une d’elles, la jolie Catherine, notre compatriote, qui, moyennant 30 sols par jour et un bon déjeuner, était à sa complète disposition, forme un tableau d’une vérité poignante : « M’étant abandonné à la colère, je la pris par les cheveux et je la traînai par la chambre, la frappant de coups de pieds et de poings jusqu’à ce que je fusse fatigué. Elle jura de ne plus revenir chez moi : le lendemain, dès l’aube du jour, elle y vint, se jeta à mon cou, me couvrit de baisers, et me demanda si j’étais encore fâché contre elle, » et plusieurs jours de suite mêmes scènes, même raccommodement.

    Quoique plus réservé à d’autres égards, Cellini ne chercha pas autant à purger l’imputation d’un autre genre qui lui fut faite à plusieurs reprises, en plein tribunal, même en présence du grand-duc, par l’apostrophe de Soddomitaccio que lui adressa Bandinelli.

  2. Son énergie d’artiste est vivement retracée dans le compte qu’il rend de la fonte de sa statue de Persée qui orne la place du palais du grand-