Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/182

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D’où l’on doit conclure que les princes d’Europe doivent se donner de garde d’envoyer ni lettres, ni présents soit par les missionnaires, soit par les marchands, soit par quelqu’autre voie, qui se présentent en leur nom, car aussitôt leur royaume serait enregistré sur le rôle des royaumes tributaires.

Quelque chose que fassent les Moscovites, ils auront bien de la peine à faire changer ce terme en leur faveur : quand même on le changerait, on ne laisserait pas de prendre l’ambassade comme un hommage qu’on vient rendre à peu près de même que dans le reste des Indes, où quiconque apporte une lettre de son prince, passe pour ambassadeur, non pas que réellement les Indiens le croient, mais ils veulent se le persuader pour flatter leur vanité, d’où souvent ils prennent occasion de mépriser la majesté auguste des rois de l’Europe, avec lesquels leurs princes ne peuvent pas entrer en comparaison.

Une lieue avant que d’arriver à Peking nous vîmes toute la campagne couverte de bosquets de jeunes arbres assez hauts, fermés de murailles de terre ; ce sont autant de sépultures différentes. Sur les quatre heures nous entrâmes dans la ville de Peking par une porte qui est double, comme toutes les autres portes de la ville, et toute couverte de lames de fer attachées avec plusieurs rangs de gros clous : les murs ont 30 à 35 pieds de hauteur ; il y a des tours carrées d’espace en espace ; la rue par où nous entrâmes est large de plus de 45 à 50 pieds tirée à la ligne : nous fîmes une bonne demie lieue dans cette rue à travers une foule incroyable de monde : c’est partout un flux perpétuel de gens qui vont et qui viennent, et cependant il ne paraît aucune femme, quoique leur nombre soit beaucoup plus grand que celui des hommes. A tout moment nous trouvions des bateleurs environnés de 50 à 60 hommes en pelotons les uns sur les autres. On eût dit que dans tous les quartiers de cette vaste et longue rue, il y avait des foires et des assemblées, tant le peuple qui y fourmille est nombreux.

Cette grande rue s’étendait encore à perte de vue, lorsque nous rabatîmes tout d’un coup à main gauche dans une autre grande rue droite, presque aussi large que la première, où nous rencontrâmes encore une foule prodigieuse de peuples. Dans ces deux rues les maisons sont basses, sans étage, et n’ont rien qui attire la vue de ceux qui passent, à la réserve des boutiques de gros marchands, qui l’emportent pour la propreté, et peut-être pour la richesse, sur celles des plus gros marchands de l’Europe. L’entrée de ces boutiques est ornée de dorures, de peintures, et de ce beau vernis de la Chine, d’une manière propre à frapper.

Au bout de cette rue on voit l’entrée de la seconde enceinte, ou pour mieux dire, de la seconde ville qu’on appelle la ville des Tartares. On y entre par une double porte, dont une est à côté. Cette enceinte de murailles, dans l’endroit où nous l’avons vue, est propre, et bâtie de nouveau avec des tours carrées, dont les flancs ont plus de sept à huit toises ; le côté qui tient lieu de face, en a encore davantage. La seconde porte, qui est la porte intérieure, est chargée d’un gros édifice à double toit, couvert de tuiles vernissées et à double étage, dont le dessous, qui a de la saillie, est embelli de peintures et de sculptures. L’endroit de l’avant-mur, qui répond