Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/207

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mes frères qui lui expliquerait cette doctrine, dont la connaissance est plus précieuse que tous les trésors de la terre.

Le bonze reçut cet avis avec la même démonstration de joie qu’il avait écouté mon instruction. Je n’oserais néanmoins me flatter de l’avoir approché de la voie du salut : sa profession de bonze lui fournit de quoi passer doucement une vie, que l’indigence lui ferait traîner misérablement ailleurs ; et l’expérience m’a fait connaître que cette considération est communément un plus grand obstacle à la conversion de ces sortes de gens, que l’attachement qu’ils pourraient avoir, ou à une religion qu’ils ne connaissent guère, ou à un état de vie que la seule nécessité les a obligé d’embrasser.

Le 2 nous fîmes deux postes en chaise, chacune de six lieues : la première jusqu’à Kien tchang hien, et la seconde jusqu’à un village éloigné de quatre lieues de Nan tchang fou.

Le 3 nous arrivâmes le matin à Nan tchang fou, ville capitale de la province de Kiang si où nous devions prendre des barques. Comme la ville est sur l’autre bord de la rivière, nous trouvâmes en arrivant une de ces barques impériales grosse comme des navires, peinte et dorée, qu’on avait préparée pour notre passage.

A notre débarquement le viceroi se présenta avec les autres mandarins : ils nous invitèrent à mettre pied à terre, et nous conduisirent à un cong quan fort propre qui est sur le bord de la rivière. Quand nous fûmes arrivés au milieu de la seconde cour, le viceroi avec les six autres grands mandarins qui l’accompagnaient, se mirent à genoux vis-à-vis de la grande salle au bas du grand escalier, et se tournant vers nous, il demanda des nouvelles de la santé de l’empereur. Il n’y a que les officiers de ce rang qui aient droit de s’informer ainsi en cérémonie de la santé de l’empereur. Tong lao yé leur fit réponse en leur apprenant la parfaite guérison de Sa Majesté.

Le viceroi s’étant levé avec les mandarins de sa suite, nous fit entrer dans la salle, où l’on avait préparé deux rangs de fauteuils vis-à-vis les uns des autres. Dès que nous fûmes assis, on nous présenta des tasses de thé à la tartare et à la chinoise, qu’on but en cérémonie. Ils nous convièrent ensuite à nous mettre à table. Le dîner était préparé au fond de la salle.

Comme ce festin se donna partie à la tartare, partie à la chinoise, on se dispensa des cérémonies importunes, qui sont en usage dans les banquets chinois. A la fin du dîner, le viceroi et les mandarins nous conduisirent à notre barque, en attendant qu’on nous préparât les barques plus légères que nous avions demandées, pour faire plus de diligence. Il y en avait une pour Tong lao ye, une pour les deux autres Pères, et une pour moi.

Ces barques sont très commodes et très propres. Elles sont peintes, dorées, et enduites de ce beau vernis tant par dehors que par dedans. On y a une chambre pour se reposer, et une grande salle avec double