Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/259

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Les grands chemins qui sont fort étroits, parce que le terrain y est extrêmement ménagé, sont bordés de petites maisons de marchands qui vendent des rafraîchissements aux voyageurs. On s’imaginerait presque que toute l’île, dans les endroits où elle est mieux cultivée, n’est qu’un seul village d’une étendue immense.

On n’y trouve point de gibier, mais quantité de grosses oies, de canards sauvages et domestiques, de poules, de cochons, et de buffles dont on ne se sert que pour le labour. On y voit peu de fruits, et la terre n’y porte que de gros citrons, de petites oranges aigres propres à assaisonner les viandes, des abricots, de grosses pêches, le fruit nommé se tse, dont je parle ailleurs, de gros melons d’eau, et de toutes sortes d’herbes et de légumes dans toutes les saisons de l’année.

La terre n’est pas la même dans toute l’île : il y en a de trois sortes dont le rapport est bien différent. La première est située vers le nord, et ne se cultive point ; les roseaux qui y croissent naturellement sont d’un revenu très considérable. Comme il n’y a point d’arbres dans toute l’île, on emploie une partie de ces roseaux à bâtir les maisons de la campagne : l’autre partie sert à brûler, et fournit le chauffage non seulement à tout le pays, mais encore à une partie des côtes de la terre ferme.

La seconde espèce de terre, est celle qui depuis la première s’étend jusqu’à la mer du côté du midi. Ces insulaires y font tous les ans deux récoltes : l’une de grains, qui est générale, se fait au mois de mai : l’autre se fait de riz ou de coton ; celle-là au mois de septembre, et celle-ci un peu après. Leurs grains sont le riz, le froment, l’orge, et une espèce de blé barbu, qui bien que semblable au seigle, est pourtant d’une autre nature.

Il y a une troisième sorte de terre, qui est stérile en apparence, et qui cependant est d’un plus grand revenu que toutes les autres. C’est une terre grise répandue par arpents dans divers cantons de l’île du côté du nord. On en tire une si grande quantité de sel, que non seulement toute l’île en fait sa provision, mais qu’on en fournit encore ceux de terre ferme. Il serait assez difficile d’expliquer comment il se peut faire, que certaines portions de terre dispersées dans tout un pays, se trouvent si remplies de sel, qu’elles ne produisent pas un seul brin d’herbe, tandis que d’autres terres qui leur sont contiguës, sont très fertiles en blé et en coton. Il arrive même souvent, que celles-ci se remplissent de sel, tandis que les autres deviennent propres à être ensemencées.

Ce sont là de ces secrets de la nature que l’esprit humain s’efforcerait vainement de pénétrer, et qui doivent servir à lui faire admirer de plus en plus, la grandeur et la puissance de l’auteur même de la nature.