Page:Du halde description de la chine volume 1.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nuire à leur commerce, de leur permettre de bâtir une maison sur le bord de l’île, qui est à une des entrées du port, dont ils pussent dans la suite tirer quelques secours, par rapport au commerce, qu’ils faisaient au Japon. Les Japonais rejetèrent d’abord la proposition : mais les Hollandais insistèrent de telle sorte, en assurant qu’ils n’occuperaient de terrain que ce qu’en pouvait renfermer une peau de bœuf, qu’enfin les Japonais y consentirent.

Les Hollandais prirent donc une peau de bœuf, qu’ils coupèrent en petites aiguillettes fort fines, puis ils les mirent bout à bout, et ils s’en servirent pour mesurer le terrain qu’ils souhaitaient. Les Japonais furent d’abord un peu fâchés de cette supercherie : mais enfin, après quelques réflexions, la chose leur parut plaisante ; ils s’adoucirent, et ils permirent aux Hollandais de faire de ce terrain ce qu’ils jugeraient à propos. C’est sur ce terrain qu’ils bâtirent le fort, dont j’ai parlé plus haut : on voit encore aujourd’hui sur la porte ces mots : Castel Zelanda 1634.

La construction de ce fort rendait les Hollandais les maîtres du port, et du seul passage par où les gros vaisseaux pouvaient y entrer. Peut-être les Japonais en connurent-ils trop tard l’importance. Quoiqu’il en soit, soit que le nouveau fort leur fît ombrage, soit qu’ils ne trouvassent pas leur compte dans cette île, qui était encore inculte, peu après ils l’abandonnèrent absolument, et se retirèrent chez eux.

Les Hollandais se virent par là les seuls maîtres de Formose car ce qu’il y avait d’insulaires, n’était pas en état de leur tenir tête. Pour mieux s’assurer du port, ils firent construire de l’autre côté, vis-à-vis du fort de Zélande, une maison fortifiée de quatre demi-bastions, dont j’ai déjà parlé.

Dans ce temps-là la Chine était toute en feu, soit par la guerre civile, qui a désolé tant de belles provinces de cet empire ; soit par la guerre qu’elle soutenait contre le Tartare, qui s’en est enfin emparé, et qui a fondé la dynastie régnante. Un de ceux qui s’opposèrent avec plus de courage aux Tartares, fut un homme de fortune de la province de Fo kien appelé Tching tchi long. De petit marchand, il était devenu le plus riche négociant de la Chine : heureux s’il avait été aussi fidèle à Dieu dans les promesses qu’il avait faites à son baptême, (car il était chrétien) qu’il fut fidèle à son prince et à sa patrie, prête à tomber sous une domination étrangère.

Tching tchi long arma à ses dépens une petite flotte contre le Tartare : il fut bientôt suivi d’une multitude innombrable de vaisseaux chinois, et il devint par là le chef d’une des plus formidables flottes qu’on ait vu dans ces mers. Le Tartare lui offrit la dignité de roi s’il voulait le reconnaître. Il la refusa, mais il ne jouit pas longtemps de sa bonne fortune.

Son fils Tching tching cong lui succéda au commandement de cette nombreuse flotte ; plus zélé encore pour sa patrie et pour sa fortune que n’était son père, il tenta diverses entreprises ; il assiégea plusieurs villes considérables, comme Hai tching de la province de Fo kien, qu’il prit après avoir taillé