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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/143

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grosses poutres mises en travers, qui portent un plancher, et qui forment une chambre dont le lambris est enrichi de diverses peintures, si néanmoins les peintures de la Chine sont capables d’enrichir un appartement. Les murailles des étages supérieurs sont percées d’une infinité de petites niches, qu’on a remplis d’idoles en bas reliefs, ce qui fait une espèce de maquettage très propre. Tout l’ouvrage est doré, et paraît de marbre ou de pierre ciselée ; mais je crois que ce n’est en effet qu’une brique moulée et posée de champ ; car les Chinois ont une adresse merveilleuse pour imprimer toute sorte d’ornements dans leurs briques, dont la terre extrêmement fine et bien sassée, est plus propre que la nôtre à prendre les figures du moule.

Le premier étage est le plus élevé, mais les autres sont entre eux d’une égale distance. J’y ai compté cent quatre-vingt-dix marches presque toutes de dix bons pouces, que je mesurai exactement : ce qui fait cent cinquante huit pieds. Si on y joint la hauteur du massif, celle du neuvième étage qui n’a point de degrés, et le couronnement, on trouvera que la tour est élevée sur le rez-de-chaussée de plus de deux cents pieds.

Le comble n’est pas une des moindres beautés de cette tour ; c’est un gros mât qui prend au plancher du huitième étage, et qui s’élève plus de trente pieds en dehors. Il paraît engagé dans une large bande de fer de la même hauteur, tournée en volute, et éloignée de plusieurs pieds de l’arbre ; de sorte qu’elle forme en l’air une espèce de cône vidé et percé à jour, sur la pointe duquel on a pose un globe doré d’une grosseur extraordinaire. Voilà ce que les Chinois appellent la tour de porcelaine, et que quelques Européens nommeraient peut-être la tour de brique. Quoi qu’il en soit de sa matière, c’est assurément l’ouvrage le mieux entendu, le plus solide, et le plus magnifique qui soit dans l’orient.


Les pagodes, ou temples.

Parmi les édifices publics où les Chinois font paraître le plus de somptuosité, on ne doit pas omettre les temples ou les pagodes, que la superstition des princes et des peuples a élevés à de fabuleuses divinités : on en voit une multitude prodigieuse à la Chine : les plus célèbres sont bâtis dans les montagnes.

Quelque arides que soient ces montagnes, l’industrie chinoise a suppléé aux embellissements et aux commodités que refusait la nature. Des canaux travaillés à grands frais conduisent l’eau des montagnes dans des bassins et des réservoirs destinés à la recevoir ; des jardins, des bosquets, des grottes pratiquées dans les rochers, pour se mettre à l’abri des chaleurs excessives d’un climat brûlant, rendent ces solitudes charmantes.

Les bâtiments consistent en des portiques pavés de grandes pierres carrées et polies, en des salles, en des pavillons qui terminent les angles des cours, et qui communiquent par de longues galeries ornées de statues de pierre, et quelquefois de bronze. Les toits de ces édifices brillent par la beauté de leurs briques, couvertes de vernis jaune et vert et sont enrichis aux extrémités de dragons en saillie de même couleur.

Il n’y a guère de ces pagodes où l’on ne voie une grande tour isolée qui se termine en dôme ; on y monte par un bel escalier qui règne tout autour : au milieu du dôme est d’ordinaire un temple de figure carrée ;