Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/149

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sur son coussin dans la cour qui est devant la porte méridionale du palais ; cette cour est pavée de briques, et propre comme une salle ; les coussins sont différents, suivant le rang des mandarins.

Ceux qui ont droit de coussin, car tous ne l’ont pas, le portent en été de soie qui se distingue par les couleurs ; et c’est surtout le milieu du coussin qui fait la différence du rang ; et en hiver, de peaux qui se distinguent par le prix. Dans cette grande multitude, où il et semble que devrait régner la confusion et le tumulte, tout est admirablement réglé, et se passe dans le plus grand ordre : chacun connaît sa place et à qui il doit céder : on ne sait ce que c’est que de se disputer le pas.

Lorsqu’on transporta le corps de la feue impératrice, un des premiers princes du sang ayant aperçu un des colao, l’appela pour lui parler. Le colao s’approcha et lui répondit à genoux, et le prince le laissa dans cette posture, sans lui dire de se relever. Le lendemain un coli accusa le prince et tous les colao devant l’empereur : le prince, pour avoir souffert qu’un officier si considérable se tînt devant lui dans une posture si humiliante ; les colao, et principalement celui qui avait fléchi les genoux, pour avoir déshonoré la plus haute charge de l’empire ; et les autres, pour ne s’y être pas opposés, ou du moins pour n’en avoir pas donné avis à l’empereur.

Le prince s’excusa sur ce qu’il ne savait pas que la coutume ou la loi eût rien réglé sur cet article, et que d’ailleurs il n’avait pas exigé cette soumission. Le coli répliqua en alléguant une loi d’une ancienne dynastie : sur quoi l’empereur donna ordre au Li pou, auquel la connaissance de cette affaire appartenait, de chercher cette loi dans les archives, et en cas qu’elle ne se trouvât pas, de faire sur cela un règlement pour l’avenir.

Le cérémonial est pareillement réglé dans toutes les autres occasions, où quelque événement demande que les Grands viennent complimenter l’empereur : tel fut, par exemple, et c’est le seul que je citerai, l’occasion où l’empereur régnant déclara le choix qu’il avait fait d’une de ses femmes, pour être impératrice. D’abord deux docteurs des plus distingués, et qui sont membres du Grand Conseil, furent chargés de faire le compliment, et de le remettre au tribunal des rits : car c’est à ces docteurs qu’appartient le droit et l’honneur de faire ces pièces d’éloquence. Aussitôt qu’il eût été accepté par le tribunal des rits, on se prépara à la cérémonie. Le jour marqué, dès le matin on porta à la première porte du palais, qui est à l’orient[1], on porta, dis-je, une espèce de table, sur laquelle se posent quatre colonnes aux quatre coins, et par dessus ces colonnes un espèce de dôme. Ce petit cabinet portatif était garni de soie jaune, et d’autres ornements.

A l’heure qu’on avait déterminée, on mit sur cette table un petit livre fort propre, où était écrit le compliment qu’on avait composé pour l’empereur : on y avait aussi écrit les noms des princes, des Grands et des Cours souveraines, qui venaient en corps faire la cérémonie.

Quelques mandarins revêtus de l’habit convenable à leur charge, levèrent

  1. La grande porte qui regarde le midi, ne s’ouvre que pour l’empereur, ou pour des cérémonies qui ont rapport à ses ancêtres