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autant de tables que de personnes invitées, à moins que le grand nombre des convives n’oblige d’en mettre deux à chaque table ; car dans ces grands festins il est rare qu’on en mette trois.

Ces tables sont toutes sur la même ligne le long des deux côtés de la salle, et répondent les unes aux autres, en sorte que les convives soient assis sur des fauteuils, et placés vis-à-vis l’un de l’autre : le devant des tables a des ornements de soie, faits à l’aiguille, qui ressemblent assez à nos parements d’autel : quoiqu’on n’y mette ni nappes, ni serviettes, le vernis admirable de la Chine les rend très propres.

Les bords de chaque table sont souvent couverts de plusieurs grands plats chargés de viandes coupées et arrangées en pyramides, avec des fleurs, et de gros citrons au-dessus sur les côtés de la table. On ne touche point à ces viandes, qui ne servent qu’à l’ornement, à peu près comme on fait à l’égard des figures de sucre, qu’on met sur la table dans les festins d’Italie.

Quand celui qui donne le repas, introduit ses hôtes dans la salle du festin, il les salue tous les uns après les autres, après quoi il se fait donner du vin dans une petite coupe, qui est ou d’argent, ou de bois précieux, ou de porcelaine, posée sur une petite soucoupe de vernis ; il la tient des deux mains, et faisant la révérence à tous les conviés qui l’accompagnent, il se tourne vers la grande cour du logis, et s’avance sur le devant de la salle, où il lève les yeux et les mains vers le Ciel avec sa coupe, dont il répand aussitôt après le vin à terre, comme pour reconnaître que les biens qu’il a, il les a reçu du Ciel.

Il fait ensuite verser du vin dans une tasse de porcelaine ou d’argent, et après avoir fait la révérence au plus considérable des convives, il va la poser sur la table qui lui est destinée. Celui-ci répond à cette civilité, par les mouvements qu’il se donne, pour l’empêcher de prendre ce soin, et en même temps il se fait apporter du vin dans une tasse, et fait quelques pas pour la porter vers la place du maître du festin, qui est toujours la dernière, et qui à son tour l’en empêche avec certains termes ordinaires de civilité.

Aussitôt après le maître d’hôtel apporte les deux petits bâtons d’ivoire, ornés d’or ou d’argent, dont se servent les Chinois au lieu de fourchettes, et il les pose sur la table en ligne parallèle devant le fauteuil, s’ils n’y avaient pas été posés auparavant comme c’est assez l’ordinaire.

Après cette cérémonie, il conduit le premier convive à son fauteuil, qui est couvert d’un riche tapis de soie à fleurs, et il lui fait de nouveau une profonde révérence, et l’invite à s’asseoir. Celui-ci ne l’accepte qu’après bien des formalités par lesquelles il s’excuse de prendre une place si honorable. Il se met en devoir de faire le même honneur aux autres convives, mais ils ne lui permettent pas de prendre cette peine.


De la place d'honneur.

Il est à remarquer que suivant les anciens usages de la Chine, la place d’honneur se donne aux étrangers préférablement aux autres ; et parmi les étrangers, à celui qui vient de plus loin, ou bien à celui qui est le plus avancé en âge, à moins qu’un autre ne fût revêtu de quelque dignité considérable.