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Mais ce qui a servi de prétexte à une pareille loi, n’est pas toujours le motif qui engage maintenant les Chinois à prendre plusieurs femmes ; il leur suffit d’être riches, et en état de les entretenir, pour se les procurer. Il y a néanmoins une loi qui défend au peuple de prendre une seconde femme, à moins que la femme légitime n’ait atteint l’âge de quarante ans, sans avoir eu d’enfants.


Préliminaires des mariages.

Comme les personnes du sexe sont toujours enfermées dans leurs appartements, et qu’il n’est pas permis aux hommes de les voir, ni de les entretenir, les mariages ne se contractent que sur le témoignage des parents de la fille qu’on recherche, ou sur le portrait qu’en font de vieilles femmes, dont le métier est de s’entremettre de ces sortes d’affaires. Les parents ont soin, par des présents qu’ils leur font, de les engager à faire une peinture flattée de la beauté, de l’esprit, et des talents de leur fille ; mais on ne s’y fie guère, et si elles portaient la mauvaise foi jusqu’à un certain point, elles en seraient sévèrement punies.


Célébration des noces.

Quand par le moyen de ces entremetteuses on est convenu de tout, on passe le contrat, on délivre la somme arrêtée, et l’on se prépare à la célébration des noces ; elles sont précédées de quelques cérémonies : les principales consistent à envoyer de part de d’autre demander le nom de la fille, et le nom de l’époux qui doivent s’épouser, et à faire aux parents des présents d’étoffes de soie, de toiles de coton, de viandes, de vin, et de fruits ; il y en a plusieurs qui consultent les jours heureux marqués dans le calendrier pour déterminer le jour des noces, et c’est l’affaire des parents de la fille. On envoie à la future épouse des bagues, des pendants d’oreilles, et d’autres bijoux de cette nature. Tout cela se fait par des médiateurs, et par des espèces de lettres qu’on s’écrit des deux côtés. C’est là ce qui se pratique parmi les gens du commun car pour les gens de qualité, ces mariages se ménagent, et se conduisent d’une manière plus noble, et avec une véritable magnificence.

Lorsque le jour des noces est venu, on enferme la fiancée dans une chaise magnifiquement ornée : toute la dot qu’elle porte, l’accompagne, et la suit. Parmi le menu peuple, elle consiste en des habits de noces, enfermés dans des coffres, en quelques nippes, et en d’autres meubles, que le père donne. Un cortège de gens qui se louent, l’accompagne avec des torches et des flambeaux, même en plein midi. Sa chaise est précédée de fifres, de hautbois et de tambours, et suivie de ses parents, et des amis particuliers de la famille. Un domestique affidé garde la clef de la porte qui ferme la chaise, pour ne la donner qu’au mari ; celui-ci magnifiquement vêtu attend à la porte l’épouse qu’on lui a choisie.

Aussitôt qu’elle est arrivée, il reçoit la clef que lui remet le domestique, et il ouvre avec empressement la chaise. C’est alors que s’il la voit pour la première fois, il juge de sa bonne ou de sa mauvaise fortune. Il s’en trouve, qui mécontents de leur sort, referment aussitôt la chaise, et renvoient la fille avec ses parents, aimant mieux perdre l’argent qu’ils ont donné, que de faire une si mauvaise acquisition. C’est néanmoins ce qui arrive rarement par les précautions qu’on a eu soin de prendre.