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chevaux, etc. Diverses troupes suivent, et marchent deux à deux ; les uns portent des étendards, des banderolles, ou des cassolettes remplies de parfums ; plusieurs jouent des airs lugubres sur divers instruments de musique.

Il y a des endroits où le tableau du défunt est élevé au-dessus de tout le reste : on y voit écrits en gros caractères d’or son nom et sa dignité : paraît ensuite le cercueil couvert d’un dais en forme de dôme, qui est entièrement d’étoffe de soie violette, avec des houppes de soie blanche aux quatre coins, qui sont brodées, et très proprement entrelacées de cordons. La machine dont nous parlons, et sur laquelle on a posé le cercueil, est portée par soixante-quatre hommes. Ceux qui ne sont point en état d’en faire la dépense, se servent d’une machine, qui n’exige pas un si grand nombre de porteurs. Le fils aîné à la tête des autres enfants, et des petits fils, suit à pied, couvert d’un sac de chanvre, appuyé sur un bâton, le corps tout courbé, et comme accablé sous le poids de sa douleur.

On voit ensuite les parents et les amis tous vêtus de deuil, et un grand nombre de chaises couvertes d’étoffe blanche, où sont les filles, les femmes et les esclaves du défunt, qui font retentir l’air de leurs cris.

Rien n’est plus surprenant que les pleurs que versent les Chinois, et les cris qu’ils font à ces sortes d’obsèques ; mais comme tout paraît à un Européen y être réglé, et se faire par mesure, l’affectation avec laquelle ils semblent témoigner leurs regrets, n’est pas capable d’exciter dans lui les mêmes sentiments de douleur dont il est témoin.

Quand on est arrivé au lieu de la sépulture, on voit à quelques pas de la tombe, des tables rangées dans des salles qu’on a fait élever exprès ; et tandis que les cérémonies accoutumées se pratiquent, les domestiques y préparent un repas, qui sert ensuite à régaler toute la compagnie.

Quelquefois après le repas, les parents et les amis se prosternent de nouveau, en frappant la terre du front devant le tombeau. Ordinairement on se contente de faire des remerciements. Le fils aîné et les autres enfants répondent à leurs honnêtetés par quelques signes extérieurs, mais dans un profond silence. S’il s’agit d’un grand seigneur, il y a plusieurs appartements à la sépulture, et après qu’on y a porté le cercueil, un grand nombre de parents y demeurent un ou même deux mois, pour y renouveler tous les jours, avec les enfants du défunt, les marques de leur douleur.


Des funérailles des chrétiens de la Chine.

Aux funérailles des chrétiens, on porte la croix sur une grande machine fort parée, et soutenue de plusieurs personnes, avec les images de la sainte Vierge, et de saint Michel Archange. On verra le détail des autres cérémonies dans la description que je fais plus bas, de celles qu’on observa à la mort du père Verbiest.

Celles qui se firent à l’enterrement du père Broglio parurent si magnifiques aux Chinois, qu’ils en firent imprimer la description. L’empereur honora son tombeau d’une épitaphe, et pour en faire les frais, il envoya dix pièces de toile blanche pour le deuil, deux cents onces d’argent, avec un mandarin, et d’autres officiers pour assister de sa part aux obsèques.