Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’empereur souhaitant que les Tartares profitassent de ce gain préférablement aux Chinois, avait donné ordré en 1709 à dix mille tartares d’aller ramasser eux-mêmes tout ce qu’ils pourraient de gin seng, à condition que chacun d’eux en donnerait à Sa Majesté deux onces du meilleur, et que le reste serait payé au poids d’argent fin.


Récolte singulière de cette plante faite par dix mille hommes.

Par ce moyen on comptait que l’empereur en aurait cette année-là environ vingt mille livres chinoises, qui ne lui coûteraient guère que la quatrième partie de ce qu’elles valent. Nous rencontrâmes par hasard quelques-uns de ces Tartares au milieu de ces affreux déserts. Leurs mandarins qui n’étaient pas éloignés de notre route, vinrent les uns après les autres nous offrir des bœufs pour notre nourriture, selon le commandement qu’ils en avaient reçu de l’empereur.

Voici l’ordre que garde cette armée d’herboristes. Après s’être partagé le terrain selon leurs étendards, chaque troupe au nombre de cent s’étend sur une même ligne jusqu’à un terme marqué, en gardant de dix en dix une certaine distance : ils cherchent ensuite avec soin la plante dont il s’agit, en avançant insensiblement sur un même rhumb, et de cette manière ils parcourent durant un certain nombre de jours l’espace qu’on leur a marqué.

Dès que le terme est expiré, les mandarins placés avec leurs tentes dans des lieux propres à faire paître les chevaux envoient visiter chaque troupe, pour a 1 lui intimer leurs ordres, et pour s’informer si le nombre est complet. En cas que quelqu’un manque, comme il arrive assez souvent, ou pour s’être égaré, ou pour avoir été dévoré par les bêtes, on le cherche un jour ou deux, après quoi on recommence de même qu’auparavant.

Ces pauvres gens ont beaucoup à souffrir dans cette expédition, ils ne portent ni tentes, ni lit, chacun d’eux étant assez chargé de sa provision de millet rôti au four, dont il se doit nourrir tout le temps de son voyage. Ainsi ils sont contraints de prendre leur sommeil sous quelque arbre, se couvrant de branches, ou de quelques écorces qu’ils trouvent. Les mandarins leur envoient de temps en temps quelques pièces de bœuf ou de gibier qu’ils dévorent après les avoir montrées au feu.

C’est ainsi que ces dix mille hommes ont passé six mois de l’année : ils ne laissaient pas, malgré ces fatigues, d’être robustes, et de paraître bons soldats. Les Tartares qui nous escortaient, n’étaient guère mieux traités, n’ayant que les restes d’un bœuf qu’on tuait chaque jour, et qui devait servir auparavant à la nourriture de cinquante personnes.


Description de cette plante.

Pour vous donner maintenant quelque idée de cette plante, dont les Tartares et les Chinois font un si grand cas, je vais en expliquer la figure que j’envoie, et que j’ai dessinée avec le plus d’exactitude qui m’a été possible.

A. représente la racine dans sa grosseur naturelle. Quand je l’eus lavée, elle était blanche, et un peu raboteuse, comme le sont d’ordinaire les racines des autres plantes.