Outre cela il s’est instruit par ses propres yeux, et a consulté les livres chinois qui traitent de cette matière, surtout l’histoire ou les annales de Feou leang : car c’est un usage à la Chine, que chaque ville imprime l’histoire de son district, laquelle comprend la situation, l’étendue, et la nature du pays, les mœurs de ses habitants, les personnes qui s’y sont distinguées par les armes, par les lettres, ou par la probité ; les événements extraordinaires, et surtout les marchandises et les denrées qui en sortent ou qui s’y débitent.
Ce père y a cherché inutilement quel est celui qui a inventé la porcelaine : ces annales n’en parlent point, et ne disent pas même à quelle tentative ni à quel hasard on est redevable de cette invention. Elles disent seulement que la porcelaine était anciennement d’un blanc exquis et n’avait nul défaut ; que les ouvrages qu’on en faisait, et qui se transportaient dans les autres royaumes, ne s’appelaient pas autrement que les bijoux précieux de Iao tcheou. Plus bas on ajoute : la belle porcelaine qui est d’un blanc vif et éclatant, et d’un beau bleu céleste sort toute de King te tching. Il s’en fait dans d’autres endroits, mais elle est bien différente soit pour la couleur, soit pour la finesse.
En effet sans parler des ouvrages de poterie qu’on fait par toute la Chine, auxquels on ne donne jamais le nom de porcelaine, il y a quelques provinces, comme celle de Canton et de Fo kien, où l’on travaille en porcelaine, mais les étrangers ne peuvent s’y méprendre : celle de Fo kien est d’un blanc de neige qui n’a nul éclat, et qui n’est point mélangé de couleurs. Des ouvriers de King te tching y portèrent autrefois tous leurs matériaux, dans l’espérance d’y faire un gain considérable, à cause du grand commerce que les Européens faisaient alors à Emouy : mais ce fut inutilement, ils ne purent jamais y réussir.
L’empereur Cang hi qui ne voulait rien ignorer, fit conduire à Peking des ouvriers en porcelaine, et tout ce qui s’emploie à ce travail. Ils n’oublièrent rien pour réussir sous les yeux du prince ; cependant on assure que leur ouvrage manqua. Il se peut faire que des raisons d’intérêt et de politique eurent part à ce peu de succès : quoiqu’il en soit, c’est uniquement King te tching qui a l’honneur de donner de la porcelaine à toutes les parties du monde. Le Japon même vient en acheter à la Chine.
Tout ce qu’il y a à savoir sur la porcelaine, dit le père Dentrecolles, (car c’est lui qui parlera dans la suite de cet article) se réduit à ce qui entre dans sa composition, et aux préparatifs qu’on y apporte ; aux différentes espèces de porcelaine, et à la manière de les former ; à l’huile qui lui donne de l’éclat, et à ses qualités ; aux couleurs qui en font l’ornement et à l’art de les appliquer ; à la cuisson, et aux mesures qui se prennent, pour lui donner le degré de chaleur qui convient. Enfin on finira par quelques réflexions sur la porcelaine ancienne, sur la moderne, et sur certaines choses qui rendent impraticables aux Chinois des ouvrages, dont on a envoyé, et dont on pourrait envoyer des dessins. Ces ouvrages où il est impossible de réussir à la Chine se feraient peut-être facilement en Europe, si l’on y trouvait les mêmes matériaux.