une multitude si prodigieuse de caractères, pour les démêler quand ils sont réunis, et pour en retenir la figure, et la signification.
Il faut avouer néanmoins que pourvu qu’on sache environ dix mille caractères, on est en état de s’expliquer en cette langue, et d’entendre un grand nombre de livres. Le commun des lettrés n’en sait guère plus de quinze ou vingt mille ; et il y a peu de docteurs qui soient parvenus jusqu’à en connaître quarante mille.
Du vocabulaire.
Ce nombre prodigieux de caractères est recueilli dans leur grand vocabulaire, qu’ils nomment Hai pien. Et de même que parmi les Hébreux, il y a des lettres radicales, qui marquent l’origine des mots, et font connaître ceux qui en sont dérivés, lorsqu’on les cherche dans leur dictionnaire, selon l’ordre de ces lettres radicales ; il y a aussi parmi les Chinois des figures radicales, qui sont par exemple, les lettres de montagnes, d’arbres, d’homme, de terre, de cheval, etc. sous lesquelles il faut chercher tout ce qui appartient aux montagnes, aux arbres, à l’homme, à la terre, et au cheval. De plus, il faut savoir distinguer dans chaque mot ces traits ou figures, qui sont au-dessus, au-dessous, à l’un des côtés, ou dans le corps de la figure radicale.
Outre ce grand vocabulaire, ils en ont un autre plus court, qui ne contient que huit ou dix mille caractères, qui leur sert pour lire, écrire, entendre ou composer des livres. Que s’ils n’y trouvent pas certaines lettres, dont ils ont besoin, ils ont recours à leur grand dictionnaire. Nos missionnaires ont recueilli de la même façon tous les termes qui peuvent leur servir à instruire les peuples des mystères de la foi, et qui sont en usage dans les entretiens et livres ordinaires, même dans les livres classiques.
Comme Clément d’Alexandrie attribue aux Égyptiens trois sortes de caractères, les premiers qu’il nomme épistolographiques, c’est-à-dire, propres à écrire des lettres, comme sont ceux de notre alphabet ; les autres sacerdotaux, propres seulement à des prêtres, pour écrire les choses sacrées, de même qu’il y a des notes pour la musique ; et les derniers hiéroglyphiques, propres à être gravés sur les monuments publics ; ce qui se faisait en deux manières : l’une, par des images propres, ou qui approchaient des choses que l’on voulait représenter, comme quand ils exprimaient la lune par un croissant ; l’autre, par des images énigmatiques et symboliques, comme serait un serpent qui se mord la queue, et qui est plié en rond, pour signifier l’année ou l’éternité : les Chinois ont eu de tout temps une semblable diversité de caractères. Dès le commencement de leur monarchie, ils communiquaient leurs idées, en formant sur le papier les images naturelles des choses qu’ils voulaient exprimer : ils peignaient, par exemple, un oiseau, des montagnes, des arbres, des lignes ondoyantes, pour exprimer des oiseaux, des montagnes, une forêt, et des rivières.
Cette manière d’expliquer sa pensée était fort imparfaite, et demandait plusieurs volumes pour exprimer assez peu de choses. D’ailleurs il y avait une infinité d’objets, qui ne pouvaient être représentés par la peinture, tels