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livres. Un mandarin voyant un jour ma petite bibliothèque européenne, dit tout bas à un autre mandarin : Croyez-vous qu’il puisse nous réciter une partie de ces livres ? Ces messieurs nous demandent souvent des secrets pour avoir une mémoire heureuse ; je crois que plusieurs la ruinent par les excès de leurs premières études.


Cinquième observation de l’auteur.


Il importe surtout d’interdire aux jeunes gens la lecture des romans, des comédies, des pièces de vers, et des chansons peu honnêtes ; ces sortes de livres amollissent, et corrompent insensiblement le cœur ; c’est la perte des bonnes mœurs : on fait sans honte ce qu’on a lu avec plaisir. Tel mauvais discours qui est entré dans l’oreille d’un jeune écolier lui reste toute la vie dans le cœur.


REMARQUE.


L’empereur Cang hi a défendu de vendre des livres contraires aux bonnes mœurs, comme certains romans capables de corrompre la jeunesse. Les mandarins font des visites dans les boutiques des libraires : ceux-ci ne laissent pourtant pas d’en vendre en secret, sans les exposer à la vue.





Extrait d’un traité sur le même sujet fait par Tchu hi, l’un des plus célèbres docteurs de la Chine, qui florissait sous la dix neuvième dynastie nommée Song.


Tchu hi marque d’abord la vraie fin de l’étude, qui est la vertu ; c’est à quoi, dit-il, un écolier doit tendre de toutes ses forces, de même que celui qui tire de l’arc vise droit au but, et ne craint rien tant que de s’en écarter. Apprendre aux enfants des caractères, faire qu’ils récitent des livres entiers, et qu’ils aient au-dehors quelque air de politesse, sans les gêner pour la réforme des mœurs ; on appelle cela avoir pour eux de l’affection. Dans le fond, c’est les haïr ; les parents seront peut-être contents d’un tel maître ; mais les esprits ne tiennent-ils pas, sans qu’on s’en aperçoive, un compte exact d’une négligence si criminelle, pour la punir en son temps ?

Le fameux Hiu étant petit écolier, demanda un jour à son maître quelle était la fin des études ; celui-ci lui répondit que par là on parvenait au degré honorable de sieou tsai, et de docteur. Hé ! quoi ? reprit le jeune Hiu, ne se propose-t-on rien davantage ? Le maître comprit les