fussent parvenus aux grands emplois. Siu devait à Yang le commencement de sa fortune. Yang perdit la charge ; il descendit d’un degré, et fut obligé d’aller fort loin, et dans un très méchant poste, être mandarin d’un rang inférieur. On comprit qu’il était mal en cour ; ainsi il se vit tout à coup abandonné de tous ses amis ; on craignait de paraître avoir eu quelque liaison avec lui. Siu moei lui marqua la même affection qu’auparavant. Au départ d’Yang personne ne parut pour le saluer. Siu moei l’accompagna assez loin de la ville jusqu’au premier reposoir qui était sur le chemin, à une lieue des murailles : et là, après de grandes démonstrations d’amitié, ils se séparèrent. Cet attachement fidèle et intrépide, qui devait, disait-on, le perdre, vint aux oreilles du ministre. Peu de jours après il l’avança considérablement : celui-ci ne savait quelle pouvait être la cause d’une élévation si subite. En remerciant le ministre : Seigneur, lui dit-il, je n’ai jamais eu l’honneur de paraître en votre présence, et vous me comblez de bienfaits. Le ministre répliqua ce peu de mots : Je vous ai donné de l’emploi, parce que je suis persuadé que celui qui répond si bien aux services et à l’amitié d’Yang, ne saurait manquer de répondre aux faveurs de son prince.
Ly ouen pe était parvenu par son mérite et par la science, aux premières dignités de la cour : il y conduisit sa mère. Un jour revenant du palais à son hôtel, il entra avec ses habits de cérémonie dans l’appartement de sa mère, pour s’informer de l’état de sa santé ; et l’ayant trouvée (ainsi que la représente l’estampe du livre) assise sur un tabouret, occupée à filer : Eh quoi, Madame, lui dit-il, devenue maîtresse dans la famille d’un Grand de la cour, vous filez ? Elle jetant à ces mots un profond soupir, s’écria : Le royaume est-il donc sur son déclin ? Je vois qu’on confie le gouvernement à des mandarins qui parlent comme de jeunes gens sans expérience : ils veulent inspirer une vie molle et oisive. Restez-là un moment, et écoutez-moi : Quand le corps travaille, l’esprit est occupé et recueilli ; et l’esprit étant appliqué à son devoir, la vertu se forme dans le cœur. Mais vit-on dans l’oisiveté ? Elle conduit au libertinage ; le libertinage étouffe entièrement la vertu ; et un cœur sans vertu se livre bientôt aux plus grands désordres. Ne voyons-nous pas qu’un peuple qui habite un pays gras, n’est nullement industrieux ; au lieu que les habitants d’une terre maigre et stérile, sont actifs, adroits, laborieux ? Avez-vous oublié, en m’adressant la parole qui vous a échappé, que nos anciennes impératrices travaillaient de leurs mains pour l’usage des princes et de l’empereur, soit à des couronnes, soit à des ceintures, et que les femmes des mandarins avaient leur occupation manuelle marquée par la coutume ? Je m’attendais que vous seriez le premier à me rappeler le souvenir de ces anciens exemples et vous me dites : pourquoi travaillez-vous ? Goûtez plutôt tranquillement les plaisirs de la vie, à présent que je suis Grand à la cour. Mon fils, ce langage me fait craindre que notre famille, et le nom de votre père, ne s’éteignent avec vous : pensez y.