ni insensible ; une noble indifférence, qui n’empêche pas l'action ; une bonté charmante, qui ne soit ni paresseuse, ni rustique ; une intelligence déliée, qui ne décharge point de l’application et du travail ; une urbanité et une politesse, qui soit soutenue de résolution et de courage ; une droiture d’âme qui sache quand il faut user d’épikie ; une étendue de génie, qui ne fasse point négliger les petites choses ; une fermeté, qui n’ait rien de dur ni de farouche, enfin une magnanimité et une force, qui ne cède qu’à la justice. C’est sur ces neuf vertus qu’on doit se régler, pour distinguer les hommes entr’eux ; car c’est le plus grand bonheur qu’un roi puisse souhaiter, que de récompenser la vertu.
Il faut qu’un Grand de la cour en ait au moins trois, pour bien gouverner sa famille, et qu’un roi tributaire en ait au moins six, pour rendre heureux l’État qu’on lui a confié. Mais c’est l’empereur qui doit les mettre toutes neuf en pratique, afin de se servir à propos des gens, selon les talents et le mérite d’un chacun. Que les Grands et les petits ne se mêlent que de ce qui les regarde, et qu’on n’emploie jamais les ouvriers à contre-temps. Pourvu qu’on ne pense qu’aux cinq choses les plus nécessaires, il ne sera pas difficile d’en venir à bout.
Un roi doit bien appréhender d’instruire ses sujets à suivre les plaisirs à son exemple : il est donc obligé de veiller incessamment sur lui-même, dans la crainte de manquer en quelque point dans cette multitude d’affaires qui lui surviennent chaque jour. Les officiers subalternes ne doivent point non plus se donner de relâche, dans la pensée que le Ciel se repose sur le roi, et que le roi se repose sur eux, qu’ils tiennent par conséquent la place du Ciel, et que ce qu’ils font, c’est son ouvrage[1].
C’est le Ciel qui a mis l’ordre entre les lois immuables de la société. Dressez-moi les cinq lois, et qu’on les garde inviolablement. C’est le Ciel qui a déterminé les cultes divers, que les hommes doivent observer. Réglez-moi les cinq devoirs, et que chacun s’y conforme selon son rang, et selon son état ; mais qu’on y apporte un respect sincère, qui parte du cœur, en évitant également l’hypocrisie et l’orgueil. C’est le Ciel qui élève les gens vertueux ; aussi les places sont différentes dans les cinq enceintes de l’empire. C’est le Ciel qui punit les coupables : aussi les cinq supplices ont des usages divers. O ! que le bon gouvernement exige de soins ! Le Ciel voit et entend tout mais c’est par la voix du peuple, qu’il juge les rois. Le Ciel est redoutable ; mais c’est le peuple maltraité qui arme sa colère. Il châtie grands et petits sans distinction mais les rois ont mille fois plus à craindre que le reste des hommes. Ce que je vous dis, Prince, c’est la vérité la plus pure ; mais le point essentiel, c’est de réduire en pratique tout ce que je vous dis.
- ↑ Les anciens commentaires Tching yi, parlant sur cet endroit, disent : Les lois et les rites, les récompenses et les châtiments, tout vien du Ciel. Sa volonté est de récompenser les bons, et de châtier les coupables ; car il n'y a que le bien ou le mal, qui soit récompensé ou puni du ciel. Et quand il punit, ou qu'il récompense, il n'y a ni grands, ni petits qui puissent lui échapper.