Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/466

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Ensuite il fait voir au prince, que quand un royaume est bien gouverné il ne manque jamais de peuples ; que le principe d’un bon gouvernement, c’est d’apporter tous ses soins à ce que le royaume abonde des choses nécessaires à la vie ; c’est de veiller à ce que les terres soient cultivées, la pêche abondante, les arbres plantés et taillés dans la saison ; c’est de se rendre attentif au partage des champs, à la nourriture des animaux domestiques, des vers à soie ; c’est d’être modéré dans les châtiments et dans l’imposition des tributs ; c’est d’avoir soin que la jeunesse soit instruite dans les bonnes mœurs ; c’est par là que le prince gagne l’affection de son peuple ; quand il s’est rendu maître de leur cœur, il lui est aisé d’établir des lois, de donner des instructions utiles, d’ériger des écoles.

Mais c’est principalement dans un temps de famine, que le prince doit secourir son peuple : il se rend très coupable, et peu digne du trône, s’il entretient alors pour son seul plaisir quantité de bêtes inutiles, qui consomment bien des provisions nécessaires à la vie de l’homme, tandis que son peuple meurt de faim.

Direz-vous, ajoute-t-il, au prince, que vous n’êtes pas la cause de la mort de ce peuple ; que c’est à la stérilité qu’il faut l’attribuer ? C’est comme si, après avoir tué un homme d’un coup d’épée, vous me disiez : ce n’est pas moi, c’est l’épée qui l’a tué. Qu’importe qu’un homme périsse par le glaive, ou par le mauvais gouvernement de son prince ? Il est naturel de haïr ces bêtes féroces, qui se tuent et se dévorent les unes les autres. Qu’est-ce qu’un prince qui devant être le père de son peuple, préfère la conservation de vils animaux, qui sont son plaisir et son amusement, à la vie de ceux qu’il doit regarder comme ses enfants.

Mencius voyant qu’on ne profitait guère de ses instructions dans le royaume de Guei, tourna ses pas vers le royaume de Tsi, qui était gouverné par un prince nommé Siuen vang. Ce prince était avide de la gloire qui s’acquiert par les armes. Nous avons cinq princes, dit-il au philosophe, dont les actions héroïques ont fait grand bruit dans l’empire. On parle surtout de deux, qui se sont fait un grand nom par leurs conquêtes ; racontez-moi leurs belles actions.

Confucius et ses disciples, répondit le philosophe, auraient rougi de louer ces cinq princes, et de transmettre leurs vertus guerrières à la postérité. Eux et moi qui suis leur disciple, nous ne nous sommes attachés qu’à l’étude de la sagesse et aux règles d’un bon gouvernement, que les anciens empereurs nous ont laissées par leurs écrits, et par leurs exemples. Hé ! quelles sont ces règles, dit le prince ? L’équité et la piété, répondit Mencius : si vous possédez ces deux vertus, vous établirez la paix et la tranquillité dans votre État : vous protégerez, vous aimerez vos peuples comme vos propres enfants.

Mais est-ce une chose qui soit en mon pouvoir, répliqua le prince ? Doutez-vous que vous ne le puissiez, dit Mencius ? Hou he votre premier ministre m’a raconté qu’un jour que vous sortiez de votre palais, vous aperçûtes un bœuf qu’on avait garrotté, et qu’on traînait hors des murs