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Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/480

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ne se met pas en peine d’observer ces lois, pourra-t-il jamais gouverner sagement son royaume ?

Un prince, poursuit-il, qui ne se conduira pas selon les lois de l’équité, n’aura pour ministres que des âmes basses, qui flatteront ses inclinations, et qui n’auront nulle attention à faire observer les lois. Ensuite ce grand nombre de mandarins, qui suivent d’ordinaire le style de la cour, ne chercheront que les honneurs et les commodités de leurs charges, et en négligeront les devoirs ; le peuple qui verra cette transgression générale des lois et de la justice, n’aura plus rien qui le retienne : il ne craindra plus d’enfreindre les lois de l’empire, il vivra sans frein, et lâchera la bride à ses passions. Je le demande : un royaume subsistera-t-il longtemps dans cet état ?

Il faut donc qu’un prince soit amateur de la sagesse et de l’équité : il faut qu’un ministre soit fidèle à son prince, et prompt à exécuter ses ordres. Lui sera-t-il fidèle, s’il ne songe qu’à lui complaire, et à flatter ses passions ? S’il ne lui met pas devant les yeux les vertus héroïques des anciens empereurs, ces grands modèles, que tout sage prince doit imiter.

Mencius fait voir ensuite que rien ne contribue davantage au renversement d’un royaume, que l’exercice injuste de l’autorité royale.

Il y a un art, dit-il, de maintenir son autorité : c’est d’entretenir les peuples dans la fidélité qu’ils doivent à leur prince. Le moyen de les rendre fidèles, c’est de gagner leurs cœurs : le cœur des peuples se gagne aisément, quand l’autorité est dirigée par l’amour de la justice, et par le désir de procurer le bien public. Un loutre, continue-t-il, qui tend sans cesse des pièges aux poissons, les oblige de se cacher au fond des eaux. Un milan qui voltige en l’air à l’entour des petits oiseaux, les fait trembler, et les contraint de se retirer dans le creux des arbres : c’est ainsi qu’autrefois ces princes barbares Kié et Tcheou jetaient l’effroi et la terreur parmi les peuples, et les forçaient de chercher un asile auprès des sages princes Tching tang et Vou vang dont on vantait partout la douceur, l’équité, et la clémence.

L’on sait ce que produisit la tyrannie que Tcheou exerçait sur ses peuples. Le prince Pe y d’une part, et le sage Tay kong de l’autre, se dérobèrent à ses cruautés, en cherchant une retraite sur les bords de la mer. La renommée faisait retentir de toutes parts les grandes vertus du prince Ven vang : sa piété, sa clémence, sa justice, la bonté de son cœur tendre et compatissant, le soin qu’il prenait des vieillards, des pupilles, des veuves, et des orphelins. Que faisons-nous ici ? dirent ces deux sages. Allons trouver ce sage roi, et attachons-nous pour toujours à son service. Ils le firent ; mais de quelle impression le peuple ne fut-il pas frappé, quand il vit la démarche de ces deux hommes si illustres par leur naissance et par leurs emplois, si vénérables par leur âge et par leurs vertus, et qui étaient regardés comme les pères de la patrie ? Cet exemple entraîna tout l’empire. Tcheou fut abandonné de ses sujets, et contraint de descendre malgré lui de son trône, et de le céder à Ven vang.