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CHAPITRE SECOND.


Mencius fait voir dans ce chapitre, que les sages empereurs, qui se sont succédés les uns aux autres, ont tous tenu la même conduite dans leur façon de vivre et de gouverner, et que leur bonté ne se bornait pas à quelques particuliers, mais qu’elle était universelle, et s’étendait généralement à tous leurs sujets. On lui dit sur cela, qu’on vantait partout l’action généreuse de Tseë chan premier ministre du royaume de Chin : ce mandarin était sur le point de traverser une rivière dans l’endroit où elle était guéable, il aperçut un pauvre homme, qui étant à pied, n’osait tenter le gué. Touché de compassion, il le fit monter sur son char, et le conduisit à l’autre bord.

On ne peut pas nier, répondit Mencius, que ce mandarin n’eût l'inclination bienfaisante : mais qu’il fût habile à gouverner un État, c’est ce que je n’avouerai jamais. Les sages princes ont toujours eu soin de faire construire des ponts pour la commodité du public, et on n’a jamais ouï dire que pendant leur règne le commerce des peuples fut interrompu par la difficulté de passer une rivière.

Mencius établit ensuite plusieurs règles de prudence. Il veut qu’on soit extrêmement réservé sur les défauts des autres, pour ne pas les publier indiscrètement. Il avertit que tout ce qui est excessif est vicieux, jusqu’à la vertu même, qui cesse d’être vertu, lorsqu’elle est portée à l’excès ; que tout était naturel dans Confucius, et qu’on voyait toujours, soit dans ses discours, soit dans ses actions, un caractère modeste et éloigné de tout faste et de toute ostentation ; que ce ne serait pas un grand malheur, si les langues médisantes ne nuisaient qu’à elles-mêmes ; mais que le comble du malheur est de voir le tort quelles causent au public, en écartant par leur malignité des dignités et des charges, ceux qui par leur vertu sont les plus capables de les remplir.

Un de ses disciples nommé Siu lui demanda pourquoi Confucius s’arrêtait si souvent au bord d’un ruisseau : Ce philosophe, dit-il, rapportait tout à l’instruction des peuples : mais je ne vois pas ce qu’il pouvait y avoir dans cette eau courante, et son doux murmure, qui pût servir de matière à la réformation des mœurs.

Il faut vous l’apprendre, répondit Mencius. Il considérait attentivement cette eau, qui sortait nuit et jour de sa source, et qui continuait paisiblement son cours jusqu’à la mer, sans être arrêtée, ni par l’inégalité du terrain, ni par les gouffres qui se trouvaient sur sa route, et c’était pour lui un fond inépuisable de réflexions. Voilà, disait-il, une image naturelle d’un homme qui puise dans la vérité comme dans sa source les règles de sa conduite, et que nul obstacle ne peut empêcher d’arriver à la perfection de la vertu.

Après quoi il passe à l’usage que l’homme doit faire de la raison, qui est