Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/487

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état, j’ai rempli tous mes devoirs, et l’on n’a rien davantage à me demander.

Il pose pour principe qu’un sage qui n’a point d’emploi à la cour, ne doit point y aller, quand même le roi l’enverrait chercher ; sur quoi son disciple lui objecta, qu’un roi qui ordonnerait à un de ses sujets d’aller à la guerre, serait obligé d’obéir ; et que de même un homme sage, que son prince veut entretenir, doit aller le trouver, quand il lui fait l’honneur de l’appeler.

Il y a de la différence, répond Mencius, car pour quelle raison croyez-vous qu’un roi souhaite de voir et d’entretenir un sage ? C’est pour profiter de ses lumières, pour le consulter dans des affaires épineuses, pour écouter et suivre ses avis : il le regarde donc comme son maître, et il se regarde lui-même comme son disciple. Les lois de l’honnêteté et de la bienséance permettent-elles qu’un disciple envoie chercher son maître ? Et par la même raison, le maître ne pécherait-il pas contre ces lois, s’il exécutait un pareil ordre ? Un prince ne se dégrade point quand il rend visite au maître de la sagesse, parce qu’il observe les cérémonies prescrites, qui veulent qu’un disciple se comporte de la sorte à l’égard de son maître. Un prince qui veut profiter des entretiens d’un sage, s’il manque à observer cette loi de politesse et de déférence, c’est comme s’il l’invitait à entrer dans sa maison, et qu’il lui fermât la porte.

Mais, reprit le disciple, j’ai lu que Confucius ayant été appelé par le roi de Lou, vola aussitôt au palais, sans attendre qu’on apprêtât son char : ce modèle des sages fit-il en cela une action indécente ?

En ce temps-là, répondit Mencius, Confucius était premier ministre du royaume : le roi avait droit de faire venir son ministre ; et le devoir du ministre était d’obéir le plus promptement qu’il était possible. Il n’en est pas de même d’un sage, qui n’étant revêtu d’aucune dignité, n’est pas sujet à la même loi.

Enfin Mencius finit ce chapitre, en disant que quand le prince tombe dans quelque faute, soit dans le mauvais choix qu’il fait des mandarins, soit dans les ordres qu’il donne pour le gouvernement de son État, un ministre est obligé de l’avertir avec tous les ménagements qui conviennent à sa dignité ; que si son premier avis n’a aucun succès, il doit le réitérer jusqu’à trois fois ; et que si le prince persiste à n’en vouloir pas profiter, il doit renoncer à son emploi, et se retirer de la cour.


CHAPITRE CINQUIÈME.


Mencius ayant dit que la nature est droite d’elle-même, et qu’elle porte à la vertu, son disciple Kao tseë lui propose diverses difficultés. J’ai toujours cru, dit-il, que la nature n’était pas mauvaise : mais il me semble qu’elle est comme indifférente, et également portée vers le bien ou vers le mal. Je la compare, ajoute-t-il, à l’eau qui tombe du Ciel dans