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Quelque redoutable que soit l’autorité de ces mandarins, ils ne peuvent guère se maintenir dans leurs emplois, qu’en se faisant la réputation d’être les pères du peuple, et de n’avoir d’autre attention que celle de procurer leur bonheur.


Son but dans l'administration de sa charge

Aussi c’est à rendre le peuple heureux, qu’un bon mandarin doit mettre toute sa gloire. Tel d’entre eux a fait venir de son pays plusieurs ouvriers, pour apprendre à élever des vers à soie, et à faire des étoffes dans tout son district, et par ce moyen là a enrichi sa ville, et s’est attiré les plus grands éloges.

On en a vu un autre qui dans un temps d’orage, ne se contenta pas de défendre qu’on traversât la rivière, mais encore se transporta sur le rivage, et y demeura tout le jour, pour empêcher par sa présence, que quelque téméraire se laissant emporter par l’avidité du gain, ne s’exposât au danger de périr misérablement.

Un mandarin qui serait trop sévère, et en qui on ne verrait point cette affection pour le peuple qui lui est soumis, ne manquerait pas d’être noté dans les informations, que les vicerois envoient de trois en trois ans à la cour, et cette note suffirait pour le dépouiller de sa charge : si un prisonnier vient à mourir dans la prison, il faut une infinité d’attestations, qui prouvent que le mandarin n’a pas été suborné pour lui procurer la mort ; qu’il est venu le visiter lui-même ; qu’il a fait venir le médecin ; et qu’il lui a fait fournir tous les remèdes convenables, etc. car on doit avertir l’empereur, et lui rendre compte de tous ceux qui meurent dans les prisons, et de la manière dont ils sont morts ; et sur l’avis que l’empereur en reçoit, il fait faire souvent des informations extraordinaires.

Il y a surtout certaines occasions, où les mandarins affectent le plus de marquer leur sensibilité pour le peuple ; et c’est lorsqu’on craint que la récolte ne manque, ou par la sécheresse, ou par l’abondance des pluies, ou par quelque autre accident, comme par la multitude des sauterelles qui inondent quelquefois certaines provinces. Alors le mandarin soit par affection, soit par intérêt, ou par grimace, n’oublie rien pour se rendre populaire.

La plupart, bien qu’ils soient lettrés, et qu’ils détestent les idoles de Fo et du Tao, ne laissent pas de parcourir solennellement tous les temples, et cela à pied contre leur coutume, pour demander à ces idoles de la pluie ou du beau temps.


Fonction des mandarins dans les calamités publiques.

Ainsi lorsqu’il arrive de ces sortes de calamités, aussitôt le mandarin fait afficher partout des ordonnances, qui prescrivent un jeûne général : il est défendu aux bouchers et aux traiteurs de vendre de la viande, sous des peines grièves : cependant quoi qu’ils n’étalent pas la viande sur leurs boutiques, ils ne laissent pas d’en vendre en cachette, moyennant quelque argent qu’ils donnent sous main aux gens du tribunal, qui veillent à l’observation de l’ordonnance.

Le mandarin va au temple de l’idole, à pied, vêtu négligemment, quelquefois même avec des souliers de paille, et accompagné de ses mandarins subalternes : il est pareillement suivi des principaux de la ville ; il