de broderies les habits, et même les souliers des jeunes garçons et des jeunes filles qu’il est obligé de vendre. L’on n’en voit point venir au lieu où on les assemble pour être vendus, qui ne brillent de ces ornements. De ce qui faisait autrefois la parure de l’impératrice, de ce qu’elle ne portait qu’au temple, des gens d’une condition médiocre en font aujourd’hui la parure de leurs femmes et de leurs esclaves. Ces haches et ces autres figures en broderie, autrefois uniquement réservées pour l’habit de cérémonie de nos empereurs, aujourd’hui un marchand devenu riche en pare un salon, où il cause et où il mange. Qui ne dira pas en voyant ce désordre, que les forces de l’empire sont épuisées ? Non, elles ne le sont pas en effet, mais elles vont l’être.
Quand je vois des gens qui n’ont point de rang, parer ainsi leurs maisons, tandis que votre habit est d’une étoffe assez grossière, et de la teinture la plus commune ; quand je vois les souliers d’une vile concubine mieux brodés que le collet de l’impératrice ; je crie principalement au désordre : mais je vois aussi que ce désordre est de nature à être bientôt suivi de la misère. En effet, je ne sais combien d’hommes étant occupés à faire des habits pour un seul, le moyen qu’il n’y ait pas bien des gens qui manquent d’habits. Il y a dix hommes qui mangent sur ce que rendent les terres, pour un qui travaille à les labourer : le moyen qu’il n’y ait pas bien des gens qui manquent d’aliments ? Or prétendre maintenir dans l’ordre un peuple que la faim et la nudité pressent, c’est prétendre l’impossible. Voilà ce qui épuise et ce qui ruine l’empire : voilà ce qui produit les brigandages, et les révoltes, qui commencent à s’élever.
Cependant il n’est pas rare qu’on vous dise : tout va bien, laissons les choses comme elles sont ; et ceux qui vous parlent ainsi, font les fortes têtes. On ne peut pas imaginer un plus grand renversement dans les coutumes : tous les rangs sont confondus ; plus de distinction entre les Grands et le peuple. On entame jusqu’au respect dû à Votre Majesté souveraine, et on ne se lasse point de vous dire : ne remuons rien, tout va bien. Qu’y a-t-il de plus capable de faire pousser de grands soupirs ?
Tchong yang[1], sans s’embarrasser de la vertu, s’occupa tout entier à suggérer à son prince des moyens de tirer de l’argent et d’en amasser. Aussi se fit-il, en deux ans qu’il fût en charge, un effroyable changement dans les mœurs. Le fils d’un homme pauvre ne pensait qu’à quitter son père, pour s’attacher en qualité de gendre à quelqu’un qui fût plus à son aise. Tandis qu’un père et une mère remuaient la terre, et maniaient le crible, le fils gras de leurs travaux faisait l’homme important, et prenait des airs de fierté même à leur égard. On voyait une jeune femme, en donnant la mamelle
- ↑ Nom d'un ministre de Tsing.
Suivant l'auteur il devrait y en avoir six ; mais Ting king dit qu'il n'y en a que trois distinctement touchées dans ce discours tel qu'il est dans l'histoire approuvée. on le trouve, dit-il, plus ample dans recueils faits depuis, qui méritent peu de créance. On a donc laissé les lacunes, telles qu'elles sont dans le corps de l'histoire.