Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/600

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Si donc les vices règnent aujourd’hui dans tout l’empire, malgré les amnisties et les châtiments, ce n’est pas Tien[1] qui en est la cause. C’est qu’on s’y prend mal pour y remédier. En examinant l’antiquité, voici divers traits, que j’y ai trouvés. Un prince de Tching faisait grand cas de gens qui fussent forts et hardis. Bientôt il eut bon nombre de ses sujets, dont chacun par sa seule force domptait un tigre. Mou kong prince de Tsin, témoigna estimer sur toutes choses, les personnes capables d’un attachement inviolable. Il ne manqua pas de gens qui poussèrent leur attachement pour lui, jusqu’à se tuer, quand il mourut. Une princesse de Tsin aimait les ou : le peuple aussitôt donna dans mille superstitions. Un heou de Tsin était économe, tout son peuple le fut de même. Tai vang était la douceur et la bonté même : aussi parmi ses sujets point de vengeance : chacun se pardonnait sans peine. A en juger par tous ces traits, n’a-t-on pas droit de conclure que tel est le prince et sa cour, tels communément sont ses peuples ?

Votre Majesté, à qui les avertissements de Tien ont inspiré une respectueuse crainte, et un redoublement de compassion pour ses peuples, a bien commencé à se corriger. Elle a fait cesser les inutiles et somptueux travaux commencés à Kan suen. Elle a abandonné l’expédition qu’elle méditait sur Tchu yai. Quelle joie n’a point causé dans tout l’empire votre déclaration sur ces deux articles ! Soutenez de si beaux commencements. Voyez dans tout votre palais ce qui demande de la réforme. Votre maison étant une fois bien réglée, étendez vos soins au-dehors. En fait de musique et de poésie, attachez-vous à celle qui est du goût de Ya et des Song[2], grave, sérieuse, instructive. Fuyez celles de Tching et de Ouei. Ouvrez un chemin large aux remontrances : recherchez les gens de mérite. Honorez surtout les gens désintéressés, droits, et sincères, et bannissez de votre cour tous les flatteurs. Occupez-vous de la lecture de nos King. Examinez ce qu’on pratiquait dans les siècles les plus heureux. Étudiez-vous à cette manière de gouverner douce et naturelle, qui produit l’union et la paix. Enfin efforcez-vous par l’exemple de vos vertus, de réformer les idées, et de corriger les vices qui règnent. Que du moins tout l’empire sache qu’il n’y a que la sagesse et la vertu, dont on fasse cas à votre cour.


Sur cette pièce, l’empereur Cang hi dit : voilà ce qui s’appelle un bon discours pour le sens et pour les paroles, il n’y a pas un mot qui ne porte.

  1. Le Ciel.
  2. Nom de chapitres du Chi king.