grands services de Ma, pour le mettre aujourd’hui de pair avec les Yu ? D’ailleurs il en est ordinairement des familles qu’on élève et qu’on enrichit si fort en si peu de temps, comme de certains arbres auxquels on fait porter deux fois l’année : cela ne peut pas durer. Enfin je ne vois que deux raisons qui doivent faire souhaiter à une famille d’être riche et dans l’abondance ; l’une est pour l’honneur des ancêtres, pour être en état de s’acquitter des cérémonies réglées à leur égard ; l’autre pour être à son aise, et vivre commodément. Mes frères ont de vos bienfaits plus qu’il ne faut pour cela : qu’est-il besoin qu’ils aient un domaine ? Je le redis encore une fois, j’y ai bien pensé. Laissez-là vos soupçons et vos inquiétudes. La plus solide marque de piété que je puisse donner à mes ancêtres, c’est d’assurer la fortune de mes frères, en l’empêchant de trop croître. Nous sommes dans des temps fâcheux. Les grains sont à un prix excessif. Les peuples sont dans la misère. Cela m’occupe et m’afflige jour et nuit. Dans de si tristes conjonctures, que je pense à élever mes parents, et que je leur sacrifie ce que je dois à l’empire, moi qui suis sa mère ? Non, qu’on ne m’en parle plus. On connaît mon naturel ; je suis ferme dans mes résolutions : il est inutile de m’irriter par une opiniâtre résistance. Si nous voyons venir des temps plus heureux, où l’abondance et la paix règnent partout ; alors me bornant au soin de mes petits-fils, je ne me mêlerai plus du gouvernement. Mon fils fera ce qu’il lui plaira.
L’empereur Cang hi loue fort les vues, la sagesse et la fermeté de cette princesse. Elle se sentait, dit-il, des belles instructions et des bons exemples de son père. Son attention et son zèle peuvent servir de règle et de miroir aux impératrices dans tous les siècles.