Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/712

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parler si librement. Mais j’ose assurer V. M. que ce que je viens de lui dire, c’est ma droiture et mon zèle qui me l’ont dicté. Heureux si V. M. veut bien se le persuader, et si, au lieu de m’en faire un crime, elle a soin d’en profiter.


Une glose dit que cette remontrance fut sans effet, ou du moins sans réponse ; que Fou pi rechargea six ou sept fois ; que l’empereur Yng tsong refusa constamment d’admettre les excuses de Fou pi ; qu’enfin ce prince par une déclaration publique témoigna vouloir changer ; et que Fou pi accepta l’emploi de ting ché.


Discours de Se ma kuang au même empereur Yng tsong sur la piété filiale et sur l’équité.


On[1] le dit, et il est vrai, en manière de perfection personnelle, la piété filiale est la première des vertus, L’âme du gouvernement c’est l’équité. Confucius, dans son livre de la piété filiale, dit que cette vertu est le principe et le fondement de toutes les autres. Il ajoute que celui qui n’aime pas son père et sa mère, et qui ne leur porte pas tout le respect qu’il leur doit, aimât-il le reste des hommes, eût-il pour chacun tous les égards imaginables, ne peut passer avec justice, ni pour vertueux, ni pour honnête homme, et qu’il ne l’est point en effet ; car jamais arbre sans racine n’a poussé de belles branches. Le feu empereur Gin tsong, en vous adoptant, et vous appelant à l’empire, vous a fait le plus beau présent qu’on puisse faire. Ce prince[2] aujourd’hui n’est plus. Mais il a laissé l’impératrice et cinq filles. C’est ce qu’il avait de plus proche, c’est ce qui vous doit être cher : c’est à vous d’en avoir tout le soin possible. Vous ne pouvez y manquer sans répondre mal aux intentions de Gin tsong, et aux obligations que vous lui avez. Ci-devant quand l’impératrice mère gouvernait en votre place, les officiers du palais la respectaient. Grands et petits, tous étaient attentifs à la bien servir. Maintenant qu’elle vous a remis le soin de l’empire, et qu’elle ne se mêle plus des affaires, j’appréhende qu’il n’arrive du changement. Parmi les officiers du palais, il peut se trouver des gens paresseux, qui la négligent, et qui la servent mal. Elle est la mère de tout l’empire. Tout l’empire doit avoir à cœur qu’elle soit heureuse et contente. Mais tout l’empire s’en repose sur vous, prince, et vous êtes

  1. Le chinois dit mot à mot. Votre sujet a ouï dire. C’est un début très ordinaire en ce genre d’écrire.
  2. Le chinois dit : s’est éloigné en montant. J’ai déjà remarqué que la politesse chinoise évite de dire crûment : il est mort. Elle emploie des termes plus doux selon les personnes et les occasions.