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un traité de la fonte des canons et de leur usage, et le présenta à l’empereur, avec 44 tables des figures nécessaires à l’intelligence de cet art, et des instruments propres à pointer les canons, pour les tirer où l’on veut.


Suites et conséquences de cette fonte.

Quelques mois après, le tribunal qui examine le mérite des personnes qui ont bien servi l’État, présenta un mémorial à l’empereur, par lequel il le suppliait d’avoir égard au service, que le père Verbiest avait rendu, par la fonte de tant de pièces d’artillerie. Sa Majesté agréa la requête, et l’honora d’un titre d’honneur, semblable à celui que l’on donne aux vicerois, qui se sont fait un mérite singulier dans le gouvernement des provinces, par la sagesse de leur conduite.

Pour prévenir la superstition des Chinois, qui sacrifient aux esprits de l’air, des montagnes, et des rivières, selon les divers événements de la nature, et la diversité des ouvrages qu’ils commencent, ou qu’ils achèvent, le père Verbiest fixa un jour pour faire une bénédiction solennelle de ces canons : il fit dresser pour cela un autel dans la fonderie, sur lequel il plaça l’image de Jésus crucifié ; puis revêtu du surplis et de l’étole, il adora le vrai Dieu, se prosternant neuf fois, et frappant de la tête contre terre : et comme c’est l’usage de la Chine, de donner solennellement un nom à de pareils ouvrages, le Père donna à chaque pièce le nom d’un saint ou d’une sainte que l’église révère, et le traça lui-même sur la culasse pour y être gravé.

Quelques personnes dont le zèle est très ardent quand ils croient pouvoir rendre odieux les jésuites, publièrent en Espagne, et en Italie, des libelles contre le père Verbiest, où ils disaient qu’il était indigne d’un prêtre et d’un religieux, de porter des armes aux infidèles, et que ce Père avait encouru les excommunications des papes, qui l’ont défendu.

Le Père répondit sagement, que l’intention de l’Église en faisant cette défense, avait été d’empêcher que les infidèles ne se servissent de ces armes contre les chrétiens ; que rien de semblable ne pouvait arriver à la Chine, puisque les Chinois et les Tartares ne pouvaient pas faire la guerre aux chrétiens ; qu’au contraire, c’était par ce moyen là que la religion s’établissait dans la Chine, puisqu’en effet l’empereur, en reconnaissance de ces services, laissait la liberté aux prêtres et aux religieux européens, de prêcher l’Évangile dans toute l’étendue de ses États.

Mais le père Verbiest fut bien mieux dédommagé de ces invectives, par le bref honorable que le pape Innocent XI lui adressa, où il le louait d’employer si sagement les sciences profanes pour le salut des Chinois, et où il l’exhortait de continuer ses soins, afin d’avancer par les industries de son zèle et de son savoir, les avantages de la religion, lui promettant tous les secours du saint siège, et de son autorité pontificale.