Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/764

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pédants faisaient de la doctrine du Tchong yong[1] mal entendue.


Dans un autre article Sou ché dit :

Prince, voici ce qu’on dit en général d’un empereur : placé comme par emprunt au-dessus du reste des hommes ; chargé d’étendre ses soins à des espaces comme infinis, pour y tenir tout dans l’ordre[2] : prospère-t-il ? rien de plus haut, rien de plus ferme. Vient-il un fâcheux revers ? rien de plus bas, rien de plus fragile ; et ce passage d’un de ces états à l’autre, dépend souvent d’assez peu de chose. Ainsi un prince vraiment sage et prévoyant, compte bien moins sur les moyens qu’il a de se faire craindre, que sur ceux qu’il prend pour se faire aimer. Quelque soin qu’il ait de maintenir son autorité, et quelque bien établie qu’elle lui paraisse, ce n’est point sur cela principalement qu’il fonde sa confiance, c’est sur le cœur de ses sujets, et sur ce qu’il sait en être trop aimé, pour qu’aucun d’eux puisse se résoudre à lui manquer de fidélité. Il s’assure immédiatement par lui-même du cœur de ceux qu’il emploie ; et ceux-ci par une conduite pleine de sagesse et de zèle, lui assurent le cœur des peuples. Voilà ce qui fait en effet sa sûreté dans sa suprême et dangereuse élévation. Celui qui fonde cette sûreté sur son nom d’empereur, ou sur son pouvoir souverain, ou sur le bon état où il croit par lui-même avoir mis les choses ; celui-là, dis-je, pourra peut-être se maintenir quelque temps, s’il n’arrive point d’affaires difficiles ; mais se trouve-t-il tout à coup dans quelque embarras ? il ne trouve nul attachement dans ceux qui le servent. Ils sont tous à son égard comme gens, qui par hasard se rencontrent sur quelque route. Se présente-t-il un double chemin ? Ils se saluent pour la forme, se quittent assez froidement, et vont chacun de leur côté.

Voilà ce qui arrive aux princes trop fiers, qui n’ont su que se faire craindre. Se trouvent-ils dans l’embarras ? Ils cherchent en vain quelqu’un qui les aide. Personne ne se présente, et cela pour deux raisons. La première, parce que le prince n’est point aimé. La seconde, parce que sa fierté et ses hauteurs ayant éloigné de sa cour les gens du plus grand mérite, et ayant toujours tenu tous les autres dans la crainte et dans la réserve, personne n’est accoutumé à manier ce précieux[3] vase, et dans un temps de trouble et d’agitation, chacun évite de s’en charger...


De là Sou ché conclut que le prince, bien loin de tenir ce vase toujours fermé, doit faire en sorte que bien des gens s’accoutument à le manier : c’est-à-dire, faire entrer dans le gouvernement le plus qu’il se peut de gens capables, et donner lieu à chacun d’exercer les talents qu’il a... Il se plaint de ce que souvent les empereurs se rendent trop inaccessibles, tant par la fierté et la hauteur avec laquelle ils traitent leurs ministres et

  1. C’est le texte d’un ancien livre, du vrai milieu.
  2. Le chinois dit mot à mot : prospère-t-il ? C’est le mont Tai. Ne prospère-t-il pas ? C’est un œuf sous un poids énorme.
  3. C’est-à-dire l’empire et son gouvernement.