Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/810

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déjà bien des règnes se sont écoulés, sans qu’on ait vu un général de réputation. Autrefois on voyait jusqu’à de simples soldats, même des esclaves, devenir de grands capitaines. Aujourd’hui la cour et l’empire entier n’en fournissent pas un seul. D’où vient cela ? Ne serait-ce point que les officiers de guerre sont trop à l’étroit, et qu’on leur fournit trop peu ? Ne serait-ce point aussi qu’on les gêne trop ? Le roi de Tchao fit Li mou général sur les frontières. Mais il le mit au large pour la dépense. Non seulement il avait de quoi bien payer et entretenir ses troupes, mais de quoi donner au-delà des gratifications et des récompenses. Aussi Li mou, fit-il des merveilles. Pour moi, je crois que si l’on épargnait moins la dépense, et si les officiers moins gênés n’avaient à répondre que du succès de leur commission, bientôt il y aurait de bons généraux.

Il y a de certains braves, dit Li te yu, dont les princes peuvent tirer de grands avantages : mais on ne les gouverne pas comme le commun des hommes. Quand un prince veut s’en servir, il doit surtout observer deux choses, l’une de les traiter un peu cavalièrement ; l’autre de se les attacher par des bienfaits. S’il a trop d’égard pour eux, ils deviennent fiers, et se font valoir. Dès lors il est dangereux de les employer. Si au lieu de bienfaits réels, ils ne reçoivent de la part du prince, que des honneurs de cérémonie, il est rare qu’ils s’en contentent : ils se négligent, on n’en tire pas de grands services.

Kao tsou le premier de la dynastie des Han est de tous nos empereurs celui qui a le mieux pratiqué ce que je conseille. Quand le fameux King pou demanda à le saluer pour lui offrir ses services, et se ranger de son parti, Kao tsou s’assit négligemment sur un lit, affecta de se laver le visage, et reçut King pou, sans lui faire beaucoup d’accueil et sans aucune cérémonie. King pou en frémissait de rage intérieurement, et se repentant du parti qu’il avait pris, il pensait à se tuer. Il sort cependant sans rien dire. En sortant, il fut conduit, suivant les ordres que le prince avait donnés, dans une belle et grande maison. Là il se trouva chaque jour régalé splendidement, au milieu d’une foule de gens destinés à le servir, accompagné par des officiers de tous les rangs, chargés de lui faire honneur. Voilà King pou très content, et d’autant plus prêt à bien servir Kao tsou, que celui-ci, dans la réception qu’il lui avait faite, avait moins fait paraître d’empressement.

Rien de plus important, dit Sao siuen, que de bien choisir ses ministres et les généraux d’armée. Rien aussi de plus difficile pour un prince, que de remplir dignement ces postes, et de tirer des talents de ceux qu’il y met, les avantages qu’il a droit d’en attendre. L’embarras après tout est beaucoup plus grand par rapport aux gens de guerre ; et il croît encore de moitié, si ceux qui sont sur les rangs, sont gens qui n’étant que braves, n’ont ni sagesse ni vertu. Au regard des premiers ministres, c’est pour le prince une règle assez sûre, d’en user avec eux fort honnêtement, et de les traiter selon les rits. Pour les premiers officiers de guerre, il n’y a pas de règle bien certaine. A l’égard de ceux qu’on connaît également sages et