Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/815

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Si un général n’a que des troupes ramassées du soir au matin, desquelles il n’est ni connu, ni aimé, il arrive communément, que quand il en faut venir aux mains, ces troupes n’ont pas plus tôt aperçu les étendards déployés, ou entendu le bruit des tambours, qu’elles se troublent et se débandent.

Hang sing à la tête d’une armée semblable, remporta une victoire : mais il avait eu soin de prendre un poste, où il avait à dos une rivière large et profonde. Quelques officiers après la bataille, s’entretenant avec le général, lui dirent : jusqu’ici on nous a donné pour règle de bien camper, d’avoir à dos et à la droite quelques montagnes ou hauteurs ; à gauche et devant des eaux. Vous en avez usé tout autrement, et cependant nous voilà vainqueurs. La règle ne vaut donc rien ? Elle est fort bonne, reprit Han sing, et communément on doit la suivre ; mais elle n’en détruit pas une autre que vous avez pu voir aussi dans les livres. Il ne faut quelquefois pour nous sauver, qu’un grand danger de périr. Mon armée n’est pas composée de troupes aguerries, que j’ai formées de longue main et qui me soient attachées ; ce sont des troupes ramassées. Dans la nécessité où l’on s’est vu de vaincre ou bien de périr chacun a combattu pour sa vie. Elles auraient apparemment lâché le pied si je les avais autrement postées.

Han sing, tout Han sing qu’il était, n’espérait rien que par force d’une armée qu’il n’avait pas eu le temps de s’attacher. Que pourra s’en promettre un autre ? Mong chu, Hoei chang, et tant d’autres en ont toujours jugé de même. Généralement estimés des officiers et des soldats pour leur capacité et leur bravoure, ils jugèrent encore nécessaire de se les attacher par leurs bienfaits. C’est par là qu’ils ont réussi. Aujourd’hui[1] non seulement on met du soir au matin à la tête d’une armée un officier qui ne connaît point les troupes, et qui n’en est guère plus connu ; mais encore si ce général suivant la méthode de ces grands hommes du temps passé, s’applique à gagner ses gens, au lieu de lui en savoir gré on le rend suspect au prince : cela étant, le moyen d’avoir de grands généraux, et d’en tirer de grands services ?


DE LA POLITIQUE.


Il faut distinguer, dit Lieou hiang[2], deux sortes de politiques : l’une qui n’a rien que d’honnête et de bon ; l’autre qui est basse et blâmable. La première a principalement en vue le bien des peuples ; l’autre cherche à se procurer quelque avantage particulier, ou à satisfaire quelque passion.

  1. Celui qui parle, est un auteur qui vivait sous la dynastie des Song.
  2. Il vivait sous la dynastie des Han.