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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/162

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ceux qui voudront l’embrasser, puissent librement entrer dans les églises, et faire une profession publique du culte qu’on y rend au souverain Seigneur du Ciel. Nous voulons donc que tous les édits, qui jusqu’ici ont été portés contre cette loi, de l’avis et du conseil de nos tribunaux, soient à présent déchirés et brûlés. Vous, ministres d’État, et vous, mandarins tartares du souverain tribunal des rits, assemblez-vous, examinez cette affaire, et me donnez au plutôt votre avis. »

Le prince So san ne manqua pas de se trouver à l’assemblée que tinrent tous les mandarins du Li pou, et quoiqu’il ne fût pas chrétien, un missionnaire n’aurait pas pu défendre avec plus de zèle et d’éloquence les intérêts de la religion. Il entra dans le détail de tous les services que ces Pères rendaient à l’État ; qu’ils n’y étaient portés par aucune vue d’intérêt ; qu’ils ne demandent ni charges ni honneurs ; qu’ils ont une loi qui leur tient lieu de tout, que c’est le seul bien qu’ils possèdent, et dont ils cherchent à faire part aux peuples ; que pour toute récompense de leurs travaux, et de leur zèle pour le bonheur de l’empire, ils ne souhaitent autre chose que la liberté de prêcher une loi, qui n’enseigne que la vérité et les maximes de la plus pure vertu, qu’on ne trouble point les lamas de Tartarie, ni les bonzes de la Chine ; qu’on tolère, qu’on dissimule, qu’on approuve même en quelque sorte des sectes ou inutiles ou dangereuses ; tandis qu’on se fait un mérite de proscrire une doctrine, qui conseille toutes les vertus, et qui condamne tous les vices ; qu’il serait à souhaiter que tout l’empire embrassât une religion, qui a en horreur la calomnie, le parjure, et le mensonge ; qui défend de tuer, de tromper, de prendre le bien du prochain, de faire la moindre injustice ; qui ordonne aux enfants de respecter leurs parents ; aux sujets d’être fidèles à leur prince ; aux domestiques d’obéir à leurs maîtres ; qui n’inspire que la simplicité, la candeur, la droiture, l’obéissance, la modestie, et la tempérance.

Comme il vit que les esprits commençaient à s’ébranler, il parcourut les dix commandements de la religion, et les expliqua d’une manière si vive et si touchante, que tous les membres de l’assemblée ne purent s’empêcher d’avouer, qu’il n’y avait aucun danger de suivre cette loi dans l’empire. Les esprits étant revenus de leurs préventions, on vint aux suffrages, et il fut conclu de donner un arrêt favorable aux chrétiens. Il fut dressé en forme de requête, afin de le présenter à l’empereur, et d’en obtenir la confirmation. Il était conçu en ces termes.

« Coupatai, sujet de Votre Majesté, président du suprême tribunal des rits, et chef de plusieurs autres ordres, lui présente cette très humble requête, avec toute la soumission et le respect que lui et ses assesseurs doivent avoir pour tous ses commandements ; surtout quand Elle nous fait l’honneur de nous demander nos avis sur les affaires importantes de l’État.

« Nous avons sérieusement examiné ce qui regarde les Européens, lesquels attirés de l’extrémité du monde par la renommée de Votre singulière prudence, et par Vos autres grandes qualités, ont passé cette vaste étendue de mers, qui nous sépare de l’Europe. Depuis qu’ils vivent