Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/31

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La religion fut comme la base et le fondement de l’élévation de la dynastie des Chang ; aussi Tching tang porta-t-il encore plus loin que ses prédécesseurs le culte et la crainte respectueuse du Chang ti. Il rétablit les mandarins de la cour et des provinces, dans le droit de lui faire des remontrances, s’il venait à s’écarter tant soit peu de ce principal devoir.

Sept années d’une stérilité générale avaient réduit le peuple à la plus grande disette. L’empereur, après avoir offert inutilement plusieurs sacrifices pour apaiser la colère du Ciel, résolut de s’offrir lui-même comme une victime d’expiation : il se dépouilla des ornements de sa dignité, et partit avec les Grands de sa cour, pour se rendre à une montagne assez éloignée de la ville, où, les pieds et la tête nue, en posture de criminel, il se prosterna neuf fois devant le souverain maître de l’univers.

« Seigneur, dit-il, tous les sacrifices que je vous ai offerts pour implorer votre clémence, ont été inutiles : c’est moi sans doute qui ai attiré tant de malheurs sur mon peuple. Oserais-je vous demander ce qui a pu vous déplaire en ma personne ? Est-ce la magnificence de mon palais ? Est-ce la délicatesse de ma table ? Est-ce le nombre de mes concubines, que les lois néanmoins me permettent ? Je vais réparer toutes ces fautes par ma modestie, par ma frugalité, par ma tempérance. Si cela ne suffit pas, je m’offre à votre justice, punissez-moi, pourvu que vous épargniez mon peuple : faites tomber la foudre sur ma tête, pourvu qu’en même temps vous fiassiez tomber la pluie sur les campagnes, et que vous soulagiez sa misère. » Sa prière fut exaucée, l’air se chargea de nuages ; une pluie féconde arrosa les campagnes, et donna une abondante récolte.

Ce fut un bonheur pour cette famille, que le grand nombre de sages qui parurent en ce temps-là : leur principal emploi était d’accompagner l’empereur aux sacrifices du Chang ti. Le colao[1] Y yn se distingua parmi ces sages sous le règne de Tching tang, et de son fils Tai kia.

Ce ne fut que sous le tyran Tcheou, que ces sages ne furent plus écoutés. Leurs remontrances et leurs avis étaient récompensés par les plus cruels supplices, et souvent par la mort. On admirait en ce temps-là la vertu et la sagesse de l’incomparable Ven vang, et de son fils Vou vang. Tous les Grands de l’empire se réunirent pour détrôner Tcheou, et mettre Ven vang à sa place : celui-ci résista constamment à leurs pressantes sollicitations : il se contenta d’avoir les vertus, qui font les grands monarques, sans avoir l’ambition de le devenir. Il profita même de la disposition des esprits à son égard, pour les ramener à l’obéissance, qu’il croyait être due au tyran.

Durant neuf ans des plus grands troubles de l’État, ce fut par le canal de ce vertueux prince, que Tcheou faisait passer ses ordres, pour être obéi de ses sujets : ce fut aussi par les mains de Ven vang, qu’il offrait les sacrifices au Chang ti ; sans cela les princes feudataires auraient refusé d’y assister.

  1. Nom commun aux ministres de l'empire. Le nombre n'est point limité à quatre, il y en a quelquefois six ou sept.