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Page:Du halde description de la chine volume 3.djvu/403

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par terre, sans mouvement, et presque sans respiration, la bouche chargée d’écume, et le col extrêmement serré par la corde. Elle lâche au plus tôt le nœud coulant.

Au moment qu’elle voulait lui procurer d’autres services, elle entend frapper doucement à la porte de la maison. Elle ne douta point que ce ne fût le marchand de Kiang si, qui venait chercher l’épouse qu’il avait achetée. Elle court vite pour le recevoir et l’introduire dans la chambre, afin qu’il fût témoin de ce qui venait d’arriver. Son empressement et la juste délicatesse qu’elle eût de ne pas se montrer sans coiffure, lui fit ramasser celle qui se trouva à ses pieds, et qui était la coiffure de deuil de la dame Ouang.

C’était en effet le marchand de Kiang si qui venait enlever la dame qu’on lui avait promise. Il avait une chaise de noces, ornée de banderoles de soie, de festons, de fleurs, et de plusieurs belles lanternes. Elle était environnée de domestiques, qui portaient des torches allumées, et d’une troupe de joueurs de flûtes et de hautbois. Tout ce cortège s’était rangé dans la rue, sans jouer des instruments, et sans faire de bruit. Le marchand s’en était détaché, et avait frappé doucement à la porte : mais l’ayant trouvée entr’ouverte, il était entré dans la maison avec quelques-uns de ceux qui tenaient les flambeaux pour l’éclairer.

Dès que la dame Yang parut, le marchand qui lui vit une coiffure de deuil, qui était le signal qu’on lui avait donné, et étant d’ailleurs charmé de son air et des traits de son visage, se jeta sur elle, comme un épervier affamé fond sur un petit oiseau. Les gens de sa suite accourent, enlèvent la dame, et l’enferment dans la chaise, qui était toute prête à la recevoir. Elle eût beau crier : On se trompe ; ce n’est pas moi qu’on cherche. Le bruit des fanfares se fit aussitôt entendre, et étouffa sa voix ; tandis que les porteurs de chaise volaient plutôt qu’ils ne marchaient, pour la transporter dans la barque.


Troisième pause, ou on lit les quatre vers suivants :


Une troupe de joueurs d’instruments avance en triomphe vers la barque d’un étranger.
La méprise d’une coiffe de deuil produit un mariage.
Quand l’épouse en présence du nouvel époux élève la voix, ce n’est pas contre le Ciel :
C’est contre son vrai mari qu’elle s’échauffe, et qu’elle crie.


Pendant ce temps-là la dame Ouang, qui avait été soulagée par les soins de sa belle-sœur, était revenue à elle-même, et avait recouvré la connaissance. Le grand fracas qu’elle entendit à la porte de la maison, renouvela ses alarmes, et lui causa de mortelles inquiétudes. Mais comme elle s’aperçut que le bruit des fanfares, et cette confusion de voix et d’instruments,