Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/104

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voyage. Quantité de cavaliers étaient obligés ou de traîner eux-mêmes à pied leurs chevaux qui n'en pouvaient plus, ou de s'arrêter au milieu des campagnes pour leur faire prendre haleine. Quoique les maréchaux des logis et les fourriers n'épargnassent ni les travailleurs, ni le bois, qu'on coupait de tous côtés, pour remplir de fascines ces mauvais passages, néanmoins après que les chevaux et les chariots, qui prenaient le devant dès le grand matin, étaient une fois passés, il était impossible de passer après eux. L'empereur même avec son fils, et tous les grands seigneurs de la cour, furent obligés plus d'une fois de traverser à pied les boues et les marécages, craignant de s'exposer à un plus grand danger, s'ils eussent voulu passer à cheval. Quand il se rencontrait des ponts, ou de ces sortes de défilés, toute l'armée s'arrêtait, et dès que l'empereur était passé avec quelques-uns des plus considérables, le reste de la multitude venait en foule, et chacun voulant passer des premiers, plusieurs se renversaient dans l'eau : d'autres prenant des chemins de détour encore plus dangereux, tombaient dans des fondrières, et des bourbiers, dont ils ne pouvaient plus se retirer. Enfin il y eut tant à souffrir sur tous les chemins de la Tartarie orientale, que les vieux officiers, qui suivaient la cour depuis plus de trente ans, disaient qu'ils n'avaient jamais tant souffert dans aucun voyage. Ce fut dans ces occasions que l'empereur me donna plus d'une fois des marques d'une bienveillance particulière. Le premier jour que nous nous mîmes en chemin pour le retour, nous fûmes arrêtés sur le soir par un torrent si gros et si rapide, qu'il était impossible de le passer à gué. L'empereur ayant trouvé par hasard une petite barque, qui ne pouvait tenir que quatre personnes au plus, passa le premier avec son fils, et quelques-uns des principaux régulos ensuite. Tous les autres princes, seigneurs, et mandarins, avec le reste de l'armée attendaient cependant sur le bord avec impatience le retour de la barque, pour se rendre au plus tôt de l'autre côté du torrent, parce que la nuit approchait, et que les tentes étaient déjà passées depuis longtemps. Mais l'empereur étant revenu à nous sur une petite barque toute semblable à la première, demanda tout haut où j'étais, et son beau-père m'ayant présenté à lui, — Qu'il monte, ajouta l'empereur, et qu'il passe avec nous. Ainsi nous fûmes les seuls qui passâmes avec l'empereur, et tout le reste demeura sur le bord, où il fallut rester la nuit à découvert. La même chose arriva le lendemain presque de la même manière. L'empereur se trouva sur le midi au bord d'un torrent aussi enflé et aussi rapide que le premier : il donna ordre qu'on se servît jusqu'au soir des barques pour passer les tentes, les ballots, et le reste du bagage : il voulut ensuite que je passasse seul avec lui, et avec peu de ses gens, ayant laissé de l'autre bord ce qu'il y avait de grands seigneurs, qui furent obligés d'y passer la nuit. Le beau-père de l'empereur même lui ayant demandé s'il ne passerait pas avec moi, puisque je logeais dans sa tente, et que je mangeais à sa table, ce prince