des affaires qui se traitent au Conseil royal, et dans les autres tribunaux, jusqu'à se faire rendre un compte exact des jugements qu'on y a portés. En un mot il dispose et ordonne de tout par lui-même : et c’est à cause de l'autorité absolue qu'il s'est ainsi acquise, que les plus grands seigneurs de la cour, et les personnes les plus qualifiées de l'empire, même les princes du sang, ne paraissent jamais en sa présence qu'avec un profond respect. Au reste les lamas ou prêtres tartares, dont nous avons parlé, ne sont pas seulement considérés du peuple, mais aussi des seigneurs et des principaux de leur nation, qui par des raisons politiques leur témoignent beaucoup d'amitié : c’est ce qui nous fait craindre que la religion chrétienne ne trouve pas une entrée si facile dans la Tartarie occidentale. Ils ont encore beaucoup de pouvoir sur l'esprit de la reine mère, qui est de leur pays, et qui a présentement 70 ans. Ils lui ont souvent dit que la secte, dont elle fait profession, n'avait point d'ennemis plus déclarés que nous : c’est une espèce de miracle, ou du moins une protection toute particulière de Dieu, que nonobstant son éloignement du christianisme, l'empereur qui a beaucoup d'égards et de respect pour elle, n'ait pas laissé jusques ici de nous combler d'honneurs et de grâces, et d'avoir beaucoup plus de considération pour nous que pour les lamas. Durant le voyage, comme les princes et les premiers officiers de l'armée allaient souvent chez la reine pour lui faire leur cour, et que nous fûmes avertis d'y aller aussi, nous consultâmes auparavant une personne de la cour, qui nous aime et qui parle pour nous à l'empereur dans nos affaires. Ce seigneur étant entré dans la tente du prince, lui dit ce qui se passait, et sortant aussitôt : — L'empereur, nous dit-il, m'a fait entendre, qu'il n’est pas nécessaire que vous alliez chez la reine comme les autres ; ce qui nous fit comprendre que cette princesse ne nous était pas favorable. La troisième raison que l'empereur a eue de faire ce voyage, est sa santé : car il a reconnu par une assez longue expérience, que quand il est trop longtemps à Peking sans sortir, il ne manque guère d'être attaqué de diverses maladies, qu'il évite par le moyen de ces longues courses : tout le temps qu'elles durent, il ne voit point de femmes : et ce qui est bien plus surprenant, il n'en paraît aucune dans toute cette grande armée, excepté celles qui sont à la suite de la reine mère : encore est-ce une chose nouvelle qu'elle ait accompagné l'empereur cette année, cela ne s'étant jamais pratiqué qu'une seule fois, lorsqu'il mena les trois reines avec lui, jusqu'à la ville capitale de la province de leao tong, pour visiter les sépulcres de ses ancêtres. L'empereur et la reine mère prétendaient encore par ce voyage, éviter les chaleurs excessives qu'on sent à Peking en été pendant les jours caniculaires. Car dans cet endroit de la Tartarie il règne au mois de juillet et d'août un vent si froid, principalement durant la nuit, qu'on est obligé de prendre de gros habits et des fourrures. La raison qu'on peut apporter d'un froid si extraordinaire, est que cette région est fort élevée et pleine de montagnes. Il y en a une entr'autres, sur
Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/110
Apparence