Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/172

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il nous dit, qu'entre les autres discours que lui avait tenu ce lama, il lui avait parlé des religions de la Chine, approuvant surtout celle des bonzes qui adorent l'idole Fo ; qu'il lui avait aussi parlé de la religion chrétienne, sous le nom de religion des Européens, et de la loi du Dieu du ciel, qui est le nom ordinaire sous lequel elle est connue à la Chine ; mais qu'il en avait parlé avec mépris, disant que cette religion ne connaissait que le seigneur du ciel, et qu'elle ne reconnaissait point d'esprits ou d'êtres spirituels ; en quoi il montrait assez combien il était peu instruit de notre religion ; aussi le père Pereira ne manqua-t-il pas de relever son ignorance en présence de nos ta gin et des mandarins du palais. Ce mandarin avait eu ordre de l'empereur de faire les prosternements ou révérences accoutumées au lama, après qu'il lui aurait parlé. Sur le soir trois des principaux officiers qui avaient été envoyés aux plénipotentiaires moscovites à Selengha pour leur porter la lettre de nos quatre ta gin, arrivèrent en notre camp, étant venus en poste d'environ quarante lieues d'ici, où ils avaient laissé le reste de nos gens ; ils apportèrent la réponse des plénipotentiaires moscovites : elle était écrite en moscovite, avec une traduction latine. On nous appela aussitôt pour l'interpréter, et pour la traduire en chinois, ce que nous fîmes pendant une partie de la nuit. Dès que la traduction fut finie, nous l'allâmes porter à nos ta gin, qui passèrent le reste de la nuit avec nous à traduire eux-mêmes cette lettre du chinois en tartare, pour l'envoyer en diligence à l'empereur. Cette lettre était bien écrite et pleine de bon sens : il paraissait assez que celui qui l'avait faite était un homme habile et entendu dans les affaires : car répondant en un mot à toutes les plaintes qu'avaient fait les ta gin, il disait qu'il ne fallait pas s'amuser à des bagatelles, et renouveler les anciennes querelles, ou en susciter de nouvelles, mais traiter sérieusement de l'affaire essentielle, qui était de régler les limites des deux empires, et faire une paix et une alliance éternelle entre les deux nations ; que lui de son côté était résolu, conformément aux ordres qu'il avait des czars ses maîtres, de ne rien omettre pour achever cette grande affaire, et procurer une bonne paix, et que puisqu'ils ne pouvaient s'assembler cette année pour en traiter dans des conférences réglées, il attendrait encore cet hiver sur les frontières des terres appartenantes à ses maîtres ; que cependant il les priait de lui faire savoir incessamment en quel lieu, et en quel temps ils pourraient s'assembler pour tenir ces conférences, et que pour savoir plus précisément leurs intentions et faire connaître les siennes, il leur enverrait au plus tôt des députés avec des lettres pour eux, et qu'il les priait de recevoir et de traiter ces députés avec honneur, comme des gens de sa compagnie, et de les dépêcher incessamment, leur faisant donner de bons guides jusque sur les frontières des terres sujettes à leur empire, comme aussi de leur fournir les vivres et les voitures nécessaires. Les officiers qui apportèrent cette lettre, nous dirent que cet ambassadeur avait l'air d'un grand seigneur, qu'il les avait bien traités et avec distinction ;