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Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/20

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craindre, ce sont les bêtes sauvages, et surtout les tigres, contre lesquels ils doivent incessamment être en garde : si quelqu’un ne revient pas au signal qui rappelle toute la troupe, on le suppose ou dévoré par les bêtes, ou égaré par sa faute, et après l’avoir cherché un ou deux jours, on continue à faire une nouvelle répartition de quartiers, et à travailler avec la même ardeur à la découverte commencée.

Tant de peines et de périls sont comme inévitables, parce que cette plante ne croît que sur le penchant des montagnes couvertes de bois, sur le bord des rivières profondes, et autour des rochers escarpés. Si le feu prend à la forêt, et en consume quelque partie, elle n’y paraît que trois ou quatre ans après l’incendie ; ce qui semblerait prouver qu’elle ne peut souffrir la chaleur : mais comme on n’en trouve point au-dessus de quarante-sept degrés de latitude, où le froid est encore plus sensible, on ne peut pas dire non plus qu’elle s’accommode des terres trop froides.

On la distingue aisément de toutes les herbes qui l’environnent, et souvent par un bouquet de fruit fort rond d’une couleur rouge porté sur une tige qui s’élève d’entre les branches. Telle était celle que nous examinâmes Hon tchun au quarante-deuxième degré, 55 minutes, vingt-six secondes, à deux lieues de la Corée : c’est le principal village des Tartares originairement Koel ka ta se, mais maintenant confondus avec les Mantcheoux, dont ils parlent la langue, et habitent le pays ; la plante qui était haute d’un pied et demi, n’avait qu’un nœud, d’où naissaient quatre branches, qui s’écartaient ensuite également l’une de l’autre, sans sortir sensiblement d’une même plante ; chaque plante avait cinq feuilles, et l’on prétend qu’il y a toujours ce nombre, à moins qu’il n’ait été diminué par quelque accident.

La racine seule sert dans l’usage de la médecine : elle a cela de particulier, qu’elle marque le nombre de ses années par les restes des tiges qu’elle a poussées, et qu’en faisant connaître son âge, elle fait croître son prix : car les plus grosses et les plus fermes sont les meilleures : mais tout ceci se comprendra encore mieux par sa figure qui a été dessinée[1] sur le lieu même par le père Jartoux.

Cette plante nous fut apportée avec trois autres par un des habitants de Hon tchun, qui était allé les chercher à cinq ou six lieues. C’est là toute l’étendue du pays de ces Koel ka ta se : ce pays est d’ailleurs assez agréable et, ce qui est rare parmi les Tartares, il est assez bien cultivé, soit que cela vienne de la nécessité où ils se trouvent à cause de leur éloignement des Mantcheoux : car les plus voisins sont à quarante lieues, et le chemin qui y conduit est très difficile ; soit qu’ils aient profité de l’exemple des Coréens, dont les collines coupées par étages, sont cultivées jusqu’au sommet avec un travail incroyable.

Ce fut un spectacle nouveau pour nous, qui avions traversé tant de forêts, et côtoyé tant de montagnes affreuses, de nous trouver sur le bord

  1. On peut la voir gravée dans le tome second à la page 180.