Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui reviendrait à mille de nos lieues, ce qu’on démontre être faux par la carte même.

Sur le bord opposé aux Tartares, les Coréens avaient bâti une bonne muraille presque semblable à celle du nord de la Chine : elle est détruite entièrement vers Hon tchun, depuis que la Corée fut désolée par les Mantcheoux, dont elle fut la première conquête, mais elle subsiste encore presque entière en des endroits plus éloignés, vis-à-vis desquels nous passâmes.

Après le Tou men oula en avançant toujours dans l’ancien pays des Mantcheoux on trouve un fleuve nommé Sui fond pira, dont nous prîmes aussi l’embouchure dans l’océan oriental ; il est fort célèbre parmi ces Tartares, et ne mérite guère de l’être : on y voit des vestiges d’une ville appelée Fourdan hotun, qui peut-être passait alors parmi eux pour une bonne place ; elle était située dans un terrain plein, assez découvert, propre à la culture, et facile à être fortifié, mais ce devait être bien peu de chose, car l’enceinte en est très petite : elle ne consiste que dans une faible muraille de terre défendue d’un petit fossé : les autres rivières de ce pays sont beaucoup moins considérables que Sui fond pira et de là vient apparemment l’estime que les anciens Mantcheoux en font encore.

La rivière d’Ousouri est sans comparaison plus belle par la netteté de ses eaux, et par la longueur de son cours : elle se jette dans le Saghalien, dont nous avons déjà parlé, mais elle appartient aux Tartares nommés par les Chinois Yu pi ta se, dont les villages occupent les bords. Elle reçoit grand nombre de ruisseaux, et quelques grandes rivières, que nous n’avons pas oublié.

Il faut qu’elle soit extraordinairement poissonneuse, puisqu’elle fournit des poissons à ses habitants, autant qu’il en faut pour se faire des habits de leurs peaux, et pour vivre de leur chair. Les Tartares savent passer ces peaux, les teindre en trois ou quatre couleurs, les couper proprement, et les coudre d’une manière si délicate, qu’on les croit d’abord cousues avec du fil de soie : ce n’est qu’en défaisant quelques coutures, qu’on s’aperçoit que ce filet n’est qu’une courroie très fine, coupée d’une peau encore plus mince.

La forme des habits est la même que celle des Mantcheoux, qui est aussi maintenant celle des Chinois de toutes les provinces. La seule différence qu’on y remarque, est que l’habit long de dessous est bordé ordinairement d’une bande de différente couleur verte, ou rouge, sur un fond blanc, ou gris. Les femmes ont au bas de leur longs manteaux de dessus, des deniers de cuivre, ou des petits grelots qui avertissent de leur arrivée. Leurs cheveux partagés en plusieurs tresses pendantes sur les épaules sont chargés de petits miroirs, d’anneaux, et d’autres bagatelles, qu’elles regardent comme autant de joyaux.

La manière de vivre de ces Tartares n’est pas moins incroyable. Ils passent tout l’été à pêcher. Une partie du poisson est destinée à faire de l’huile pour la lampe : l’autre leur sert de nourriture journalière : enfin la troisième est séchée au soleil sans être salée, car ils n’ont point de sel, et