Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

campé, mais l'entrée et la sortie étaient pleines de fondrières, d'où les chevaux et les chameaux n'eussent pu se tirer, si nos ambassadeurs à force de faire couper de l'herbe qui était fort haute sur les bords de la rivière, et d'en mettre des fagots l'un sur l'autre à l'entrée et à la sortie, n'eussent rendu le chemin praticable ; ils demeurèrent en personne sur le rivage plus de deux heures pour faire filer plus promptement et avec plus d'ordre le bagage. Après le passage de cette rivière nous continuâmes notre route en suivant son cours, qui va avec beaucoup de rapidité au nord et au nord-nord-est se jeter dans la rivière nommée Ouen tou ; nous la passâmes au-dessus du lieu où l'autre rivière se jette à un gué où elle a plus de cent pas géométriques de largeur ; elle n'a pas cinq pieds d'eau de profondeur à ce gué, et les chevaux de taille médiocre pouvaient la passer sans nager ; mais ce gué est si peu large, et l'eau court avec tant de rapidité en cet endroit, qu'elle eût entraîné les chevaux et les chameaux chargés, si l'on n'eût pas pris les précautions. Nos ambassadeurs se donnèrent toute sorte de soins pour faire passer tout avec ordre et en sûreté, mais dans la multitude on ne put empêcher qu'il n'y eût plusieurs chameaux et chevaux, chargés ou non chargés, et plusieurs hommes entraînés par le courant dans des lieux où l'eau est fort profonde ; comme il ne manquait pas de monde sur le rivage pour les secourir, on sauva la plupart des hommes en leur tendant des perches et les ramenant au rivage. A l'égard des chameaux et des chevaux qui venaient la plupart d'eux-mêmes proche du bord, on les faisait monter après les avoir déchargés ; avec tous ces soins, il ne laissa pas de se noyer quatre hommes, et environ trente chevaux, et sept ou huit chameaux que le courant de l'eau entraîna. Le chemin qui est entre ces deux rivières est d'environ trente lys, en tournoyant entre des montagnes qui sont assez hautes et escarpées en plusieurs endroits, ce qui empêcha qu'on ne pût marcher sur ces hauteurs ; de sorte que l'on fut obligé de suivre les vallées qui étaient presque partout pleines de fange et de fondrières ; on eut surtout bien de la peine à passer un petit ruisseau qui était environ à mi-chemin ; enfin nous n'avions encore point fait de journée si dangereuse ni si pénible pour l'équipage. Nous vînmes camper à 10 lys environ au-delà du passage de la rivière dans une prairie qui est sur les bords du côté du nord ; notre route fut ce jour-là du nord au nord-ouest, de sorte que la prenant au nord-nord-ouest, il ne faut pas compter plus de 40 lys droit à ce rumb. On nous dit que cette rivière était fort poissonneuse, et qu'elle abondait surtout en une espèce de gros poisson qui est d'un goût exquis. Les Moscovites viennent souvent à la pêche de ce poisson dans cette rivière, et amènent leurs bestiaux pour les engraisser dans les prairies qui sont sur son rivage, où les fourrages sont admirables. Le temps