Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/298

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la ville le convoi grossissait par la multitude des gens de qualité qui se succédaient les uns aux autres. Lorsqu'on entra dans la ville, un des domestiques du défunt lui offrit par trois fois une tasse de vin qu'il répandit à terre, se prosternant autant de fois, ce qu'il fit au moment que les cendres du défunt passaient sous les portes de la ville ; les rues où devait passer le convoi étaient nettoyées et bordées de soldatesque à pied, comme il se pratique quand l'empereur, le prince héritier, ou les princesses du palais marchent dans Peking. Longtemps avant que d'arriver dans la maison du défunt, deux grosses troupes de domestiques, savoir, ceux de sa maison et ceux de son frère, tous vêtus de deuil, vinrent se joindre au convoi ; et d'aussi loin qu'ils le virent, ils se mirent à pleurer, et à jeter de grands cris, auxquels ceux qui accompagnaient les cendres, répondirent par des pleurs et des cris redoublés ; ce qui véritablement attendrissait les spectateurs, et tirait les larmes des yeux. En arrivant à l'hôtel du défunt, il se trouva encore beaucoup de personnes de qualité qui l'y attendaient. Toute la superstition que je remarquai en cette occasion fut que l'on brûla du papier à chaque porte par où passaient les cendres ; on allumait ce papier lorsqu'elles étaient sur le point de passer dans toutes les cours de la maison. On avait dressé de grands pavillons de nattes, qui faisaient comme autant de grandes salles, selon la coutume du pays. Il y avait dans quelques-uns de ces pavillons quantité de lanternes et de tables, sur lesquelles on a coutume de poser des fruits et des odeurs que l'on offre au défunt ; on plaça le coffre qui renfermait les cendres, sous un dais de satin noir, enrichi de crépines et de passements d'or, fermé à côté par deux courtines. Le fils aîné de l'empereur accompagné d'un de ses petits frères, que l'empereur avait établi fils adoptif de l'impératrice défunte, nièce de Kiou kieou, parce qu'elle n'avait point d'enfant mâle, ces deux princes, dis-je, se trouvèrent encore à la maison du défunt, et y firent les mêmes cérémonies qu'ils avaient faites le jour précédent dans la tente. Les enfants et les neveux de Kiou kieou remercièrent les princes à genoux, se prosternant jusqu'à terre après avoir ôté leur bonnet. Nous prîmes ensuite congé des parents du défunt que nous connaissions, et nous retournâmes en notre maison. Le 18 l'empereur envoya demander les propositions de géométrie que nous avions préparées. On lui en porta dix-huit qui étaient mises au net, et on lui dit de notre part qu'il y en avait encore environ autant de faites qui n'étaient point transcrites ; après les avoir examinées, il en parut content, et il dit qu'il les trouvait fort claires, et qu'il n'avait nulle peine à les comprendre. Le 29 Sa Majesté recommença les explications de géométrie ; le père Bouvet fut appelé avec le père Antoine Thomas. Sa Majesté se fit expliquer quatre propositions, dont il témoigna être fort satisfait ; et il déclara que désormais il voulait continuer à entendre tous les jours nos explications comme il faisait avant son voyage. Le 30 comme c'était mon jour d'aller au palais, je fus appelé avec le père