Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/317

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étant arrivés au camp, l'empereur demanda si j'avais vu la chasse, et ayant su que j'étais demeuré hors de l'enceinte, il donna ordre que le lendemain, quand il chasserait, j'entrasse dans l'enceinte, et que je le suivisse de près. Le soir m'ayant appelé, suivant la coutume, pour faire l'explication de géométrie dans sa propre tente, il me demanda si le cheval que je montais était bon ; les gens de l'écurie de Sa Majesté m'en donnèrent un autre le jour suivant, afin de laisser reposer celui que je montais, quoiqu'il ne parût nullement fatigué. Comme nous campâmes en pleine campagne, l'empereur ordonna qu'on me dressât une petite tente à sept ou huit pas de la sienne ; elle était dans l'enceinte la plus intérieure, qui est fermée d'une double toile jaune d'environ sept pieds de hauteur, et qui peut avoir vingt ou vingt-cinq toises en carré. Dans cette enceinte, il n'y avait que la tente de l'empereur, celle de ses fils, et la mienne. Le 16 nous partîmes vers les sept heures du matin comme le jour précédent. Sa Majesté étant sortie de sa tente, nous dit un peu avant que de partir de prendre les devants, et de l'aller attendre hors de son parc. Ce jour-là nous fîmes seulement quarante lys, et nous campâmes dans une vallée sur le bord d'une petite rivière. Un peu avant que d'arriver au camp, Sa Majesté fit faire halte à toute sa suite, et alla chasser au chevreuil. Il avait fait prendre les devants par des chasseurs, qui en trouvèrent un seul dans un endroit, et deux en un autre. Comme l'empereur me fit appeler, afin que je visse la chasse, et qu'il ordonna à Tchao laoyé de me mener toujours auprès de sa personne, j'eus tout le plaisir de voir Sa Majesté faire cette chasse. Il monta sur le haut d'une montagne, au penchant de laquelle le chevreuil était couché ; il fit mettre pied à terre à ses chasseurs, qui sont tous des Mantcheoux qu'on appelle nouveaux, parce qu'ils sont de ceux qui sont nés dans le vrai pays des Mantcheoux. L'empereur se sert d'eux pour ses gardes et pour ses chasseurs ; il les envoya les uns à droite, les autres à gauche, un à un, ordonnant au premier de chaque côté de marcher sur la ligne qu'il leur marqua, jusqu'à ce qu'ils fussent réunis dans l'endroit qui leur était ordonné ; ce qu'ils exécutèrent fort ponctuellement, sans que ni montée ni descente, quelque difficile qu'elle fût, leur fît perdre leurs rangs. Quand l'enceinte fut formée avec une promptitude qui me surprit, l'empereur ordonna que l'on commençât à crier ; aussitôt tous les chasseurs poussèrent ensemble des cris, mais à peu près du même ton, et d'une voix médiocre, ce qui ressemblait assez à une espèce de bourdonnement ; on me dit que ces cris se faisaient pour étourdir le chevreuil, afin qu'entendant également du bruit de toutes parts, et ne sachant de quel côté s'enfuir, on le puisse tirer plus facilement. L'empereur entra dans cette enceinte, suivi seulement de deux ou trois personnes, et s'étant fait montrer le lieu où était le chevreuil, il le tira et le tua du second coup de fusil.