Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/32

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Naymann, que quelques-unes de nos cartes françaises nomment royaume de Nagmans, et Ohan sont deux pays beaucoup plus petits et meilleurs que Cortchin, ils sont entremêlés de petites hauteurs qui nourrissent des arbrisseaux, fournissent du bois à brûler, et entretiennent une abondante chasse, surtout une multitude presque incroyable de cailles qui volaient sans crainte, même entre les pieds de nos chevaux.

Ces trois pays et celui de Tourmedé, ou Tourbedé, qui les joint à l’est, sont à peu près semblables, c’est-à-dire, secs, sablonneux, nitreux, et fort froids : cependant ils ne laissent pas de fournir à l’entretien d’un bon nombre de princes tartares. La seule maison de Cortching avait, quand nous passâmes, 8 à 9 de ces princes, tous distingués par des titres de dignités autant différentes entre elles, que le sont nos rangs de ducs, de marquis, de comtes, etc. Le nombre n’en est pas fixé, puisqu’il dépend de la volonté de l’empereur, qui est à leur égard le grand Han[1] des Tartares, et qui élève les uns, ou abaisse les autres, suivant les informations qu’il fait faire de leur bonne ou mauvaise conduite.

Quand ils sont sans titre ou sans gouvernement de soldats, on les nomme Tai gui, ou, suivant la prononciation chinoise, Tai ki, ils ne laissent pas d’être respectés par les Tartares de leur pays, comme les maîtres, car ces Tartares sont en effet esclaves de leurs maisons.

Les terres de Cartching sont sans comparaison meilleures. Comme les princes qui y dominent à présent, sont originairement chinois, et qu’ils n’appartiennent à l’ancienne maison que par alliance, ils y ont attiré un grand nombre de leurs compatriotes, qui y ont bâti beaucoup de villages, et qui ont par leur travail amélioré les terres voisines, dont ils tirent de quoi vivre et de quoi faire le commerce avec les autres Tartares, en leur vendant une partie de leur moisson. On y trouve des mines, surtout d’un bel étain, et de grandes forêts de haute futaie, qui fournissent une partie du bois à bâtir, dont on se sert à Peking. C’est par ce commerce que le trisaïeul de la famille présente s’enrichit, et qu’ayant par les richesses procuré à l’ancien maître de Cartching de grands avantages, il gagna tellement son amitié, qu’il obtint sa fille en mariage, et devint héritier de tout ce qu’il possédait. S’étant mis ensuite sur le pied de prince Tartare, il imita leurs manières, et peu à peu il gagna le reste des sujets, et se vit bientôt la maître de tout ce qu’avait possédé son beau-père.

Pour se le conserver, il s’attacha aux Mantcheoux, qui tentaient alors la conquête de la Chine, et les aida de ses biens et de ses troupes, ne doutant pas du succès dans la confusion où il savait qu’était l’empire chinois, par le soulèvement de deux fameux rebelles[2]. Sa récompense fut la possession pacifique de tout le Cartching une alliance de sa famille avec

  1. Nous écrivons Kan, mais les Tartares prononcent tous Han : ou plutôt ils tiennent comme le milieu entre la lettre K et la lettre H.
  2. Ly et Tchang.