Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/346

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Tous ces gens ont ordre de faire de grands cris, lorsque le tigre s'avance de leur côté, afin de l'obliger à rebrousser chemin et à s'enfuir vers le lieu où l'empereur s'est placé, qui est ouvert de toutes parts. Ce prince le place ordinairement sur le penchant opposé à celui où est le tigre, ayant la vallée entre deux, pourvu toutefois qu'il ne soit pas hors de la portée d'un bon mousquet. Il est environné de trente ou quarante de ces piqueurs, armés de hallebardes ou de demies piques, dont ils font une espèce de haie, posant un genou en terre, et présentant le bout de leurs demies piques du côté par où le tigre peut avancer ; ils tiennent la demie pique des deux mains, l'une vers le milieu, et l'autre assez proche du fer ; ils sont toujours en cet état pour recevoir le tigre en cas qu'il vienne fondre de ce côté-là ; car il prend quelquefois sa course avec tant de rapidité, qu'il ne donnerait pas le temps de s'opposer à ses efforts, si on n'était toujours sur ses gardes ; l'empereur est derrière les piqueurs, accompagné de quelques-uns de ses gardes et de ses domestiques, on lui tient des fusils et des arquebuses prêtes à tirer. Lorsque le tigre ne paraît pas, on tire des flèches au hasard vers l'endroit où l'on sait qu'il est, et on lâche des chiens pour le faire déloger. Voici comme l'empereur chassa celui dont il s'agit. On le fit lever d'abord du lieu où il était, il grimpa la montagne, et s'alla placer de l'autre côté dans un bouquet de bois, qui était presque sur l'extrémité de la montagne voisine ; comme il avait été bien observé, il fut aussitôt suivi, et l'empereur s'en étant approché à la portée du fusil, toujours environné de ses piqueurs, on tira quantité de flèches vers le lieu où on l'avait vu se coucher ; on lâcha de même plusieurs chiens qui le firent lever une seconde fois ; il ne fit que passer sur le penchant de la montagne opposée, où il se coucha encore dans des broussailles, d'où on eut assez de peine à le faire sortir ; il fallut pour cela faire avancer quelques-uns des cavaliers postés sur le sommet de cette montagne, afin qu'ils tirassent des flèches au hasard vers le lieu où il était, tandis que les piqueurs qui en étaient plus proche, faisaient rouler des pierres vers le même endroit, mais il en pensa coûter la vie à quelques-uns de ces cavaliers ; car le tigre le levant tout à coup, jeta un grand cri, et prit sa course droit aux cavaliers, qui n'eurent point d'autre parti à prendre, que de se sauver à toute bride vers le sommet de la montagne ; le tigre était déjà prêt d'atteindre l'un d'eux, qui s'était écarté des autres en fuyant, et on le crut perdu, lorsque les chiens qu'on avait lâchés en grand nombre après le tigre, et qui le suivaient de près, l'obligèrent à se tourner de leur côté. Ce mouvement donna le loisir au cavalier de gagner le sommet de la montagne, et de mettre sa vie en sûreté en se joignant aux autres. Cependant le tigre retourna au petit pas vers le lieu où il était couché auparavant, et les chiens s'étant un peu rapprochés, et aboyant autour de lui, il donna le temps à l'empereur de lui tirer trois ou quatre coups, dont il fut blessé mais légèrement, car on le tira de fort loin ; il n'en marcha pas même plus vite, et il alla se coucher dans les broussailles où il était auparavant, et où on ne pouvait l'apercevoir. Il fallut recommencer à faire rouler des pierres vers cet endroit, et à tirer plusieurs coups au hasard. A force de rouler